Fiche d'élevage : Crematogaster scutellaris

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Photographie couverture de la page Europe, recadrée pour une meilleure intégration.

1) CLASSIFICATION ET SIGNIFICATION :

Famille : Formicidae
Sous-famille : Myrmicinae
Tribu : Crematogastrini
Genre : Crematogaster
Espèce : Crematogaster scutellaris

Taxonomiste et année de description : Espèce décrite par Guillaume-Antoine Olivier en 1792.
Noms vernaculaires : Crematogaster scutellaris est dite « fourmi écussonnée » et « fourmi acrobate ».
Synonymes et anciens noms utilisés : Acrocoelia ruficeps Mayr, 1853, Crematogaster scutellaris var. corsica Santschi, 1921 , Crematogaster scutellaris var. degener Santschi, 1937, Crematogaster scutellaris var. grouvellei Bondroit, 1918, Crematogaster scutellaris var. hybrida Zimmermann, 1935, Crematogaster scutellaris var. lichtensteini Bondroit, 1918, Formica haematocephala Leach, 1825, Formica scutellaris Olivier, 1792, Myrmica rediana Gené, 1841 , Myrmica rubriceps Nylander, 1849.

Étymologie genre : « kremastos » (κρεμαστός) du grec «suspendu » assemblé à la racine « gastír » (γαστήρ) pour «abdomen».
Étymologie espèce : Probablement issue de la racine latine « scutella », dérivée de « scutum » qualifiant un objet ovale et bombé/creux (plus précisément, un bouclier). Littéralement, « scutella » signifie « écuelle », dû à la forme du récipient. Il s’agit peut-être d’une référence à la forme arrondie de la tête de la fourmi.

2) MORPHOLOGIE ET IDENTIFICATION :

TAILLE OUVRIÈRES : 3,0 à 5,0 mm
TAILLE GYNE : 7,5 à 10 mm
TAILLE MÂLE : 3,0 à 4,0 mm

Morphisme : Cette espèce est monomorphe. 

Identification : En France métropolitaine, cette espèce est la seule Crematogaster à avoir une tête rouge.

Description et particularités physiques : Crematogaster scutellaris est une petite fourmi bicolore à la tête rouge et au corps noir
brillant. L’extrémité de son abdomen est pointue. Cette espèce est morphologiquement très semblable aux Camponotus lateralis, qui suivent d’ailleurs souvent leurs pistes de phéromones. Pour les différencier, on peut noter un gastre plus pointu chez C. scutellaris, et une taille légèrement supérieure chez C. lateralis. Crematogaster scutellaris possède également une forte adhérence sur un nombre important de matériaux, d’où une origine probable de son surnom : « fourmi acrobate ».

3) BIOLOGIE :

Description du biotope : Les Crematogaster scutellaris sont lignicoles et quasi xérophiles. Extrêmement dominantes dans leur milieu, elles vivent dans les bois secs, vivants ou morts des zones boisées méditerranéennes, mais se plaisent également en milieu urbain dans les charpentes ou les pylônes en bois.

Nidification : Les Crematogaster scutellaris sont lignicoles. Elles vivent donc dans du bois, arbres ou morceaux de bois. Espèce également connue pour être plutôt opportuniste dans ses lieux de nidification. Dans sa zone de répartition, il n’est pas rare de tomber sur des colonies s’étant installées entre des piles de cartons, sous des tuiles, ou encore dans les charpentes des maisons. Elles peuvent aussi parfois s’installer sous des pierres. Leurs colonies présentent une polydomie saisonnière : des nids satellites s’établissent surtout durant l’été afin d’exploiter le plus de ressources possibles durant la saison de développement. Une colonie semble être capable de monopoliser durant cette période jusqu’à une quinzaine d’arbres (Santini, G et al. (2011)). Un certain nombre de Crematogaster tropicales sont capables de synthétiser du « carton », un matériau de construction du nid, en mastiquant des fibres végétales (Longino, J.T. (2003)) ; cela a aussi été observé en captivité chez C. scutellaris.

Démographie : En prenant en compte la polydomie, les anciennes estimations donnant 10 000 individus à taille adulte sont probablement largement sous-estimées.

Particularités comportementales : Espèce très dominante dans son milieu. Elles forment de grandes colonies et présentent une activité continue à l’extérieur du nid. In natura, on peut d’ailleurs observer de grandes files pouvant dépasser la dizaine de mètres.
Une de ses particularités est la cohabitation qu’elle entretient à ses dépens avec Camponotus lateralis.
Cette dernière niche à proximité de C.scutellaris et suit ses pistes de phéromones. Lors d’une attaque par C.scutellaris, C.lateralis se soumet généralement et s’enfuit. En retour, C.scutellaris aura tendance à l’ignorer lors des prochaines rencontres. Cela laisse supposer que C.scutellaris s’habituerait à la présence de l’autre espèce et, devant sa faible agressivité, la tolérerait sur ses pistes de phéromones. (Menzel, F. et al. (2010). Pour sa part, C.lateralis se fondrait parmi C.scutellaris et profiterait de sa dominance du biotope.

Ouvrière Crematogaster scutellaris par myrmecophil

Ouvrière Camponotus lateralis par myrmecophil

Comme d’autres fourmis du genre Crematogaster, C.scutellaris possède une glande dans ses tibias postérieurs (Billen, J. P. J. (1984)). Celle-ci sécrète une molécule servant à marquer les pistes de phéromones. Le tendon de la glande se prolonge au travers du tarse, et son orifice se trouve au niveau de la membrane articulaire située entre le dernier tarsomère et le prétarse (Pasteels et al., 1970). Si l’espèce se sent menacée, elle possède la particularité de pouvoir relever son abdomen au-dessus de la tête (position défensive), grâce à une insertion haute du post-pétiole sur le gastre. L’aiguillon des Crematogaster est fin, souple et élargi à son extrémité. Cette forme de spatule lui permet de déposer sur la cuticule des insectes une goutte de venin, exsudant depuis une ouverture située en amont de l’aiguillon (Buren, W. F. (1958)). La composition de ce venin, secrété par leur glande de Dufour, est un
mélange complexe constitué majoritairement d’acétates (Daloze, D. (1991)).

Ouvrière utilisant sa posture défensive et laissant échapper de son aiguillon une goutte de venin par Gaspacho

Une observation tend à montrer que des ouvrières de Crematogaster scutellaris pourraient pratiquer la parthénogenèse thélytoque : celles-ci pondraient des œufs diploïdes donnant des femelles, en l’absence de gyne. Ces ouvrières seraient également capables de pondre des œufs haploïdes donnant des mâles, ce qui est plus courant chez les fourmis (Soulié, J. (1960)). Une autre observation relève que, isolées de la gyne, des jeunes ouvrières ne pondent pas d’œufs viables, mais produisent en revanche des globules graisseux ressemblants à des œufs trophiques, parfois consommés par d’autres ouvrières. Le débat reste donc ouvert sur la question de la parthénogénèse (Casevitz-weulersse, J. (1991)).
En captivité, il a été observé que les Crematogaster scutellaris ont pour habitude de constituer des réserves de nourritures dans le nid, en découpant des insectes en tout petits morceaux secs.

Les ouvrières vivent environ 1 an et une gyne peut atteindre l’âge de 20 ans en captivité (Casevitz-weulersse, J. (1991)).

Alimentation : Espèce omnivore. Dans la nature, cette espèce se nourrit de toutes substances sucrées ou carnées qu’elle trouve. Le miellat des cochenilles et morceaux d’autres insectes constituent une part importante de son régime alimentaire, dans différentes proportions en fonction de leur disponibilité (Ottonetti, L. et al. (2008)).

Essaimage : Les sexués sont majoritairement produits d’août à novembre (Villagrán, M. et al. (1998)) et les essaimages se font durant cette même période. Les vols nuptiaux sont massifs et facilement repérables. Il existe une hypothèse d’inhibition du développement de larves de sexués par la gyne d’une colonie chez Crematogaster scutellaris. Des larves devenant plus tard des princesses et mâles sont emportées par les ouvrières dans un nid satellite ou dans une chambre isolée. Les sexués ne sont jamais retrouvés à proximité de la gyne (Casevitz-weulersse, J. (1991)).

Gynie : Cette espèce est monogyne. Des polygynies secondaires auraient cependant été observées sur des colonies de grande taille en nature. De plus, des analyses génétiques tendent à indiquer qu’au moins certaines populations sont polygynes (Masoni, A. et al. (2019)). En cas de mort de la gyne, de jeunes fondations avec couvain sont susceptibles d’adopter, lors de la reprise d’activité du printemps, une princesse fécondée (Casevitz-weulersse, J. (1991)).

Fondation :  Indépendante et claustrale ; une fois dans une loge de fondation, les reines n’en sortent plus jusqu’à l’émergence des premières ouvrières. La fondation a généralement lieu en haplométrose, bien que des pléométroses puissent également avoir lieu (Masoni, M. et al. (2018)).

Cycle de développement : Endogène-hétérodynamique ; la diapause est principalement déclenchée par l’horloge interne de la colonie, les paramètres extérieurs influant peu sur le processus (Kipyatkov, V. E. (1993)).

4) RÉPARTITION :

Crematogaster scutellaris est une espèce vivant en Europe du Sud, dans la péninsule ibérique, aux Canaries et sur la rive Sud-Ouest de la Méditerranée. On retrouve aussi bien ses nids en milieu urbain qu’en milieu naturel, et cela jusqu’à 1 100 m d’altitude. En Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas, quelques rares colonies ont également réussi à survivre en milieu urbain extérieur, notamment dans des compteurs électriques ou des bouches d’aération. Ceci est donc un rappel du potentiel invasif de cette espèce dans des climats plus froids que les siens. 

5) ÉLEVAGE :

Température de maintien : 23 à 35 °C. Il faut compter, à 25 °C, environ 2 mois pour le passage de l’œuf à l’imago.

Hygrométrie : De 0 à 40 % de la surface du nid devra être humidifiée. En effet, Crematogaster scutellaris étant lignicole, elle pourra se contenter d’un nid sec ; si vous optez pour cette option, il faudra cependant obligatoirement laisser à leur disposition un abreuvoir dans l’aire de chasse.

Installation : Pour la fondation, un tube à essai classique, avec une petite réserve d’eau suffira. Il est ensuite possible de proposer un nid sec en bois, en plexiglas, en béton cellulaire blindé au mortier-colle, ou en pierre reconstituée. Il faudra toujours veiller à ce que le nid ne soit pas plein pour que la colonie ne se mette pas à creuser. Vérifiez régulièrement les bouchons et tubes de raccord qu’elles ont l’habitude de grignoter. Une aire de chasse fermée sera à privilégier sur la durée. Une application très régulière d’anti-évasion type Talcool ou Fluon sera également de rigueur.

Foreuse ? : Oui, cette espèce creuse très bien dans un nombre impressionnant de matériaux si le manque de place se fait sentir. Attention à toujours veiller à ce que le nid ne soit pas surpeuplé.

Diapause : La diapause sera obligatoire, et devra durer environ 3 à 4 mois à une température maintenue entre 1 et 10 °C.

Fondation : Indépendante et claustrale. Il faudra maintenir la gyne dans le calme à l’abri de la lumière et des vibrations. Un morceau d’écorce peut éventuellement être placé dans le tube de fondation pour stimuler la ponte de la gyne. Dès l’arrivée des ouvrières, placez une aire de chasse et nourrissez régulièrement avec des liquides sucrés et insectes morts. La fondation démarre en général après la diapause. Les fondations grandissent rapidement et ne nécessitent pas de soin particulier. Même sans expérience, il est simple de les faire se développer. À noter que toutes les gynes ne parviennent pas à fonder, le taux de réussite serait d’environ 50 %. Certaines d’entre elles ne possèdent pas d’ovaire matures, d’autres meurent rapidement ou ne parviennent pas à s’occuper du couvain (Casevitz-weulersse, J. (1991)). Il est donc préférable d’acquérir une fondation comportant déjà des ouvrières.

Canard le Costaud

Alimentation en élevage : En captivité, on nourrira cette espèce avec du liquide sucré et des insectes. Une dizaine d’insectes nourriciers (blattes, grillons, criquets…) par jour seront nécessaires au bout de quelques années.

Difficulté d’élevage : L’espèce est relativement facile à faire évoluer, mais la vraie difficulté porte sur la gestion des colonies sur le long terme : en effet, celles-ci deviennent extrêmement populeuses et demandeuses en insectes, c’est pourquoi il peut devenir rapidement assez compliqué de les maintenir. A maturité, une colonie occupe dans son milieu naturel plusieurs arbres et buissons, et ne saura se développer en captivité sans plusieurs mètres cube à disposition. Ces fourmis s’accrochant sur n’importe quelle surface (vitre, pince ou même peau) avec une adhérence remarquable, l’entretien de l’aire de chasse deviendra rapidement très compliqué. L’huile de paraffine ne fonctionnant pas avec Crematogaster scutellaris, d’autres anti-évasions devront être utilisés en complément d’une aire de chasse fermée. Ces paramètres devraient être mûrement considérés avant l’acquisition de cette espèce.

Sources et Crédits :

Publications myrmécologiques : 

Sites Internet :

  • Antcat.org
  • Antwiki.org
  • Antmaps.org
  • Antweb.org
  • AntArea.fr
  • Inaturalist.org

Nos éleveurs : Chamallow_Sauvage, Canard le costaud, Dambal_63, Gaspacho.

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