(Problèmes majeurs )
À cause de leur mode de reproduction, les colonies de cette espèce se retrouvant sur le marché sont systématiquement pillées, et il est donc impossible de trouver une colonie sauvage prélevée de façon « éthique ». De plus, la longévité des gamergates étant très courte, une colonie seule ne pourra pas perdurer plus de quelques années au maximum. Pour ces raisons, si vous vous intéressez à cette espèce, nous vous conseillons de ne l’élever que si vous êtes prêts à adopter plusieurs colonies afin de tenter la reproduction en captivité.
Le risque d’allergie lié à leur piqûre est également à prendre en compte.
1) CLASSIFICATION ET SIGNIFICATION :
Famille : Formicidae
Sous-famille : Ponerinae
Tribu : Ponerini
Genre : Diacamma
Espèce : Diacamma rugosum
Taxonomiste et année de description : Le Guillou, 1842 (sous le nom de Ponera rugosa).
Noms vernaculaires : Queenless ant (anglais).
Synonymes et anciens noms utilisés : Aucun synonyme n’est actuellement encore couramment utilisé.
Étymologie genre : Du grec ancien διαχάμπτω, « incurvé », peut-être en référence aux stries concentriques couvrant le corps des Diacamma.
Étymologie espèce : Du latin rugosus, « ridé, rugueux ».
2) MORPHOLOGIE ET IDENTIFICATION :
TAILLE OUVRIÈRES : 10 à 12 mm

budak (CC BY-NC-ND) (Diacamma sp. cf. rugosum)
TAILLE MÂLE : 10 à 11 mm

budak (CC BY-NC-ND) (Diacamma sp. cf. rugosum)
Morphisme : Monomorphe ; la taille des ouvrières d’une même colonie reste assez constante.
Identification : Les Diacamma du groupe rugosum sont en mauvais état taxonomique, et la délimitation de D. rugosum des espèces voisines est incertaine, tout comme la validité des multiples sous-espèces décrites. De fait, les critères précis permettant de l’identifier ne peuvent pas être précisés dans l’attente d’une nouvelle révision du genre incluant l’espèce.
Description et particularités physiques : Les Diacamma sont des ponérines de taille moyenne, relativement hautes sur pattes et fines. Les profondes stries concentriques couvrant tout leur corps et leur couleur grise subtilement argentée (due à leur pilosité) leur confèrent un aspect unique, très facilement reconnaissable parmi les Ponerinae.
Les mâles ont quant à eux une apparence de guêpe et une étonnante teinte orange.
3) BIOLOGIE :
Description du biotope : Ces fourmis se retrouvent en particulier dans les forêts tropicales secondaires ou plus rarement primaires, même si l’on peut également les rencontrer dans des biotopes plus ouverts tels que des clairières voire des milieux semi-urbains.

Nidification : Les nids sont généralement terricoles, ou occasionnellement logés dans le bois pourri. Les colonies sont souvent polydomes, composées de plusieurs nids satellites reliés entre eux et comportant chacun quelques dizaines d’ouvrières.
Démographie : Les colonies matures sont peu populeuses, et ne dépassent généralement pas la barre des 300 individus.
Particularités comportementales : Diacamma rugosum chasse au sol, dans la litière forestière et dans la végétation basse. Son fourragement est généralement solitaires, mais peut également être menés en petits groupes par « tandem-running », c’est-à-dire qu’une ouvrière suit une autre à la trace en gardant les antennes en contact avec le gastre de la meneuse. Le tandem-running sera d’autant plus utilisé lors des déménagements, durant lesquels une partie des fourrageuses guident les ouvrières restant habituellement dans le nid.
Les Diacamma sont dotées d’un aiguillon fonctionnel qu’elles utilisent à la fois pour chasser et se défendre. Chez l’humain, la piqûre peut causer de très vives douleurs, gonflements, boutons et plaques rouges ; de graves réactions allergiques peuvent également survenir.
Agressives et dominantes sur leur biotope, ces fourmis entrent souvent en concurrence avec d’autres ponérines de taille similaire telles que les Odontoponera ou les Ectomomyrmex, voire avec d’autres colonies de Diacamma.

Jonghyun Park (CC-BY) (Rivalité entre une Diacamma et une Odontoponera)
La principale originalité comportementale des Diacamma réside dans leur système de reproduction : ce genre ne possède en effet pas de gyne. Les fonctions de ponte et de dominance de la colonie sont assurées par une unique ouvrière, la gamergate, qui ne se distingue de ses consœurs que par deux organes orange, situés de part et d’autre du mesosoma, là où se trouvent normalement les insertions alaires des gynes. On nomme ces organes les gemmes.

Will Ericson – CASENT0901345 (CC-BY) et Shannon Hartman – CASENT0260420 (CC-BY) (Haut : mesosoma de gamergate, où une gemme orange est visible. Bas : mesosoma d’une ouvrière quelconque, où seule une cicatrice est présente.)
En réalité, au moment d’émerger de leur cocon, toutes les ouvrières portent des gemmes ; cependant, la gamergate les arrache rapidement, causant une dégénérescence des organes reproducteurs empêchant ainsi toute fécondation et tout appel chimique de mâle pour l’ouvrière mutilée.
L’espérance de vie de la gamergate n’est pas beaucoup plus longue que celle de ses congénères ; à sa mort, la première ouvrière à émerger d’un cocon conservera ses gemmes, en l’absence de gamergate pour les lui ôter, et pourra ainsi prendre le relais.
Des rivalités entre ouvrières sont souvent observées dans les colonies, et mènent à la formation d’une véritable hiérarchie.
Alimentation : Comme la majeure partie des ponérines, les Diacamma rugosum sont des chasseuses d’insectes en tout genre, particulièrement friandes de termites.
Agiles et dotées d’un aiguillon redoutable doublé de fortes mandibules, elles n’ont aucun mal à exécuter des proies vivantes, y compris aussi grandes qu’elles, avant de les ramener promptement au nid. Elles n’effectuent pas de trophallaxie, et tous les membres de la colonie, y compris les larves très mobiles et voraces, se nourrissent donc directement sur la proie.
Les ouvrières peuvent néanmoins faire preuve d’un relatif opportunisme, et ne rechignent pas à s’attabler sur des substances sucrées de temps à autre, dont elles ramènent au nid des fragments ou gouttes entre leurs mandibules.
Essaimage : En l’absence de gyne ailée, il n’y a pas d’essaimage à proprement parler. Les mâles sont produits continuellement en petits effectifs dans les colonies, et quittent le nid quelques jours après leur émergence pour s’envoler à la recherche d’une gamergate à féconder. L’accouplement est monandre.
Gynie : Dépendante ; les nouvelles colonies ne se forment que par fission. Une partie de la colonie originale déménage avec la gamergate, en laissant ainsi derrière elle une bouture orpheline dans laquelle une nouvelle gamergate pourra se reproduire. Il est donc impossible de trouver des gamergates seules ou des colonies de moins d’une vingtaine d’ouvrières chez cette espèce.
Fondation : Monogyne ; une seule gamergate assure la reproduction de la colonie.
Cycle de développement : Homodynamique ; en tant qu’espèce tropicale, les colonies de Diacamma rugosum se développent tout au long de l’année.
4) RÉPARTITION :
Diacamma rugosum est largement répartie en Asie tropicale, du Sud de la Chine jusqu’en Nouvelle-Guinée.
5) ÉLEVAGE :
Température de maintien : Entre 22 °C et 27 °C.
Hygrométrie : L’hygrométrie dans l’aire de chasse devra se situer entre 50 % et 70 % ; l’hygrométrie dans le nid devra quant à elle se situer entre 60 % et 80 %.
Installation : Cette espèce accepte les nids en béton cellulaire ou en plâtre (cependant, il est recommandé de couper le plâtre avec de la terre lors du moulage du nid pour une meilleure humidification), en veillant à les tapisser de substrat. Les tubes à essai avec substrat feront également l’affaire. De manière globale, il s’agit d’une espèce opportuniste qui saura se contenter de toute cavité tant que l’humidité y est suffisante et du substrat y est présent.
L’humidité ambiante devra également être importante dans l’aire de chasse, et elle peut dans ce but être tapissée de substrat humide et fermée. Il est vivement conseillé d’y introduire une microfaune abondante (qui pourra notamment être composée de collemboles) afin de contribuer au nettoyage des déchets.
Les installer en terrarium sera également une option, bien que laisser la colonie nidifier dans le substrat empêchera d’effectuer convenablement les manipulations nécessaires à l’isolation de boutures en vue de la reproduction en captivité. Elle sera une espèce plutôt sale, agglomérant beaucoup de déchets et de débris aux parois de la cuve.
Attention : cette espèce grimpe très facilement sur les surfaces lisses, il faudra donc veiller à appliquer de l’anti-évasion et à fermer l’aire de chasse d’un couvercle (ce qui sera en outre nécessaire afin d’y garder une hygrométrie suffisamment stable). Elles sont également très sales et tendent à beaucoup retourner le substrat, nous vous déconseillons donc de les installer en terrarium planté ou d’apparat.

Foreuse ? : Non.
Alimentation en élevage : Elles acceptent tout type d’insecte fraîchement tué, mais ont une préférence pour les petits insectes vivants. Il sera aussi nécessaire de leur fournir de temps en temps de la nourriture sucrée sous forme de pseudo-miellats, beetle jelly ou morceaux de fruits.
Reproduction en captivité : La reproduction de Diacamma rugosum en captivité est relativement accessible, mais demande impérativement de disposer de plusieurs colonies de l’espèce.
Une fois que vos différentes colonies seront suffisamment populeuses, vous pourrez isoler des boutures comportant au moins une vingtaine d’ouvrières (en faisant attention à ne pas prélever la gamergate) et quelques cocons. La première ouvrière à émerger d’un de ces cocons conservera ses gemmes, puis, une fois qu’elle sera mature, pourra être observée dans l’aire de chasse, souvent postée en hauteur, signe qu’elle sera prête à s’accoupler. Vous pourrez alors placer en sa présence un mâle venant d’une autre colonie, en répétant l’opération régulièrement en cas d’échec.
Si les colonies mères ne produisent pas suffisamment de mâles, il vous est possible d’isoler des groupes d’ouvrières sans couvain : en l’absence de gamergate, elles pourront se mettre à pondre en continu des œufs non fécondés qui donneront des mâles. Il sera préférable d’attendre que les premiers d’entre eux commencent à émerger avant d’isoler les véritables boutures, afin de vous assurer de disposer continuellement de mâles opérationnels lorsque les nouvelles gamergates seront matures.
Détails à ajouter : Il ne faut surtout pas oublier la piqûre, qui est très douloureuse et s’accompagne d’un engourdissement du membre piqué durant une bonne heure voire plus, avec un mal pouvant persister plus de deux jours, et ceci sans compter les potentiels risques de réaction allergique.
Il faut faire très attention lorsqu’un insecte est mis dans l’aire de chasse ou dans le terrarium, car elles peuvent s’exciter facilement.
Le développement est relativement court pour une ponérine, demandant le plus souvent entre deux mois et demi et trois mois de la ponte à l’ouvrière adulte.
Lorsque vous recevez la colonie, que vous la déménagez ou la bouturez, vous pourriez vouloir chercher la gamergate. Cette recherche pourra être effectuée en plaçant la colonie dans une grande boîte (avec de l’anti-évasion) et en observant le comportement des individus. En effet, là où la plupart des ouvrières réagiront très vivement lorsqu’une pince ou un pinceau est approché d’elles (soit en l’attaquant, soit en fuyant), la gamergate se montrera le plus souvent particulièrement calme ; de plus, les autres ouvrières tendent souvent à se regrouper autour d’elle. Une fois que vous pensez l’avoir trouvée, vous pourrez l’isoler afin de vérifier la présence des gemmes avec une loupe ou par le biais d’une macrophotographie. N’hésitez pas à la marquer (par exemple au Posca) afin de pouvoir la retrouver directement les fois suivantes.
Difficulté d’élevage : Moyenne à difficile. En effet, nous la déconseillons pour les débutants en myrmécophilie, notamment du fait de sa douloureuse et potentiellement dangereuse piqûre. Elle reste néanmoins adaptée pour se lancer dans l’élevage de Ponerinae, à l’image des Odontoponera et de certaines Odontomachus, bien que son mode de reproduction soit très différent.
Sources et Crédits :
Publications myrmécologiques :
- Dalla Torre, K. W. 1893. Catalogus Hymenopterorum hucusque descriptorum systematicus et synonymicus. Vol. 7. Formicidae (Heterogyna). Leipzig: W. Engelmann, 289 pp. (https://www.antcat.org/references/124002)
- Fukumoto, Y. ; Takuya, A. 1983. Social organization of colony movement in the tropical ponerine ant, Diacamma rugosum (Le Guillou) (https://link.springer.com/article/10.1007/BF02347836)
- Kikuta, N.; Tsuji, K. 1998. Queen and worker policing in the monogynous and monandrous ant, Diacamma (https://link.springer.com/article/10.1007/s002650050608)
- Wang, W. Y.; Soh, E. J. Y.; Yong, G. W. J.; Wong, M. K. L.; Guénard, B.; Economo, E. P.; Yamane, S. 2022. Remarkable diversity in a little red dot: a comprehensive checklist of known ant species in Singapore (Hymenoptera: Formicidae) with notes on ecology and taxonomy. Asian Myrmecology 15: e015006:1-152. (https://www.antcat.org/references/144032)
Sites Internet :
- Antcat.org
- Antwiki.org
- Antmaps.org
- Antweb.org
- Inaturalist.org