1) CLASSIFICATION ET SIGNIFICATION :
Famille : Formicidae
Sous-famille : Formicinae
Tribu : Lasiini
Genre : Lasius
Espèce : Lasius niger
Taxonomiste et année de description : Linnaeus, 1758 (sous le nom de Formica nigra).
Noms vernaculaires : Fourmi noire des jardins.
Synonymes et anciens noms utilisés : Aucun, à l’exception des combinaisons obsolètes Formica nigra et Acanthomyops niger.
Étymologie genre : Du grec ancien λάσιος (lásĭos), « poilu ».
Étymologie espèce : Du latin niger, « noir ».
2) MORPHOLOGIE ET IDENTIFICATION :
TAILLE OUVRIÈRES : 2,0 à 4,0 mm

TAILLE GYNE : 7,0 à 9,5 mm

TAILLE MÂLE : 3,5 à 4,5 mm

Morphisme : Monomorphe : la taille des ouvrières d’une même colonie n’est que faiblement variable.
Identification : Lasius niger est très semblable aux autres espèces entièrement noires du genre (des groupes niger et brunneus, constituant l’ancien sous-genre Lasius s. str.), et l’en distinguer est généralement impossible sans observation à la loupe binoculaire ou très bonnes macrophotographies. Elle fait partie des quatre espèces de Lasius noires françaises à présenter des poils dressés sur le scape, un critère qui sera ainsi important dans sa reconnaissance. Il sera possible de la distinguer des espèces partageant avec elle cette caractéristique (L. platythorax, L. grandis et L. cinereus) par une pilosité globalement plus courte et dense.
Elle est particulièrement proche de L. platythorax, une espèce se retrouvant également dans toute la France, mais affectionnant le plus souvent des biotopes plus frais, humides et ombragés que L. niger. En outre, les gynes de L. platythorax présentent un mesosoma plus bas que chez L. niger.
Pour plus de détails sur l’identification de cette espèce, voir la révision de Seifert, 2020.
Description et particularités physiques : Les ouvrières de Lasius niger sont uniformément noires ou brunes, ce qui leur vaut de faire partie des fameuses « fourmis noires » telles que désignées par le grand public. Cependant, sous un fort éclairage, le mesosoma peut apparaître d’une teinte subtilement plus claire que le reste du corps, bien que ce contraste ne soit jamais aussi marqué que chez les espèces bicolores du genre telles que L. emarginatus. Une observation plus précise révèle une pilosité blanchâtre particulièrement dense sur l’intégralité de leur corps, qui leur a valu leur nom de genre. De taille modeste, elles n’en gardent pas moins une silhouette relativement robuste pour des Formicinae. Lorsqu’elles se nourrissent, leur gastre peut se distendre en d’importantes physogastries translucides.
Les reines sont bien plus grandes que les ouvrières, et portent un mesosoma massif ainsi qu’un gastre particulièrement volumineux, leur assurant de pouvoir fonder de manière claustrale en puisant dans leurs abondantes réserves. En cas d’importante activité ovarienne, leur gastre peut se déformer en d’impressionnantes physogastries blanchâtres, parfois jusqu’au point de gêner leurs déplacements.
3) BIOLOGIE :
Description du biotope Lasius niger, particulièrement ubiquiste, se rencontre dans une très large gamme de biotopes pourvu qu’elle puisse y trouver la chaleur nécessaire à son développement. En cela, elle ne fréquentera pas les mêmes milieux que l’espèce voisine L. platythorax, qui tendra plutôt à se retrouver dans des biotopes plus frais, et les deux espèces n’entreront ainsi généralement pas en compétition. Bien qu’également très commune dans les plaines ou autres sous-bois clairsemés, L. niger sera très régulièrement rencontrée dans les milieux anthropisés, y compris au cœur des grandes villes où elle peut constituer à elle seule une importante partie de la myrmécofaune observée.

Parc Sophie Desmarets, Montpellier, par Toftof.
Nidification : Lasius niger nidifie généralement en pleine terre, mais peut égalemnet exploiter toute anfractuosité jusqu’aux fissures des trottoirs en milieu urbain.
Les entrées du nid sont la plupart du temps assez étroites, et ne laissent simultanément passer que quelques ouvrières à la fois. Avant les essaimages, elles sont considérablement élargies afin de permettre le passage des sexués, et une importante quantité de terre peut alors en être déblayée.

Démographie : Les nids atteignent de multiples milliers d’ouvrières, jusqu’à plus de 10 000 individus.
Particularités comportementales : Lasius niger fourrage très activement au sol comme dans la végétation, et est capable d’efficacement monopoliser les ressources alimentaires de ses biotopes par d’importants recrutements et de denses colonnes de fourragement reliant directement le nid aux sources de nourriture. Cette espèce très agressive entrera régulièrement en compétition avec les autres colonies alentours, y compris de sa propre espèce.
Néanmoins, une population unicoloniale a été retrouvée en Ukraine (Stykalyuk, 2025) ; les ouvrières de cette population ne sont pas agressives entre elles, et les très nombreux nids qui la composent ne constituent donc qu’une seule supercolonie. Il ne semble cependant s’agir que d’un cas exceptionnel.
L. niger est la cible du parasitisme temporaire de diverses Lasius du groupe umbratus. En outre, de nombreux arthropodes myrmécophiles, commensaux comme parasites, se retrouvent souvent dans ses vastes nids.
Cette espèce détient le record de la plus longue longévité documentée avec certitude chez les fourmis : en effet, une reine a vécu 28 ans et demi en laboratoire. Les ouvrières ne vivent généralement qu’environ un an, mais peuvent dépasser les trois ans.
Alimentation : Le régime alimentaire de Lasius niger se constitue en grande partie de liquides sucrés, et notamment du miellat des pucerons qu’elle exploite dans la végétation. Les ouvrières défendent farouchement ce « bétail », et repoussent prédateurs, parasites ou même autres fourmis qui tenteraient de se les approprier. De petits insectes, morts comme vivants, sont également récoltés.
Essaimage : Les essaimages de Lasius niger sont susceptibles d’avoir lieu dès juin et de se prolonger jusqu’à début septembre, bien que l’essentiel des envols aient lieu en plein été. La densité des colonies et leur production importante de sexués peuvent mener à des essaimages particulièrement massifs, après lesquels de très nombreuses reines désailées peuvent être observées durant leur recherche d’un emplacement où fonder. Lorsque la météo le permet, il n’est pas rare que de tels essaimages massifs aient lieu plusieurs jours d’affilée.
Gynie : Strictement monogyne (en-dehors de la population unicoloniale précédemment mentionnée) : une unique reine assure la reproduction dans les colonies établies.
Fondation : Indépendante et claustrale. Après l’essaimage, les gynes creusent une loge dans la terre et ne se nourrissent pas jusqu’à l’arrivée des premières ouvrières. Plusieurs reines peuvent se réunir en pléométrose, et élèveront ensemble leurs premières générations d’ouvrières avant que les gynes surnuméraires ne soient éliminées à terme. Ces pléométroses représenteraient environ le quart des fondations in natura.
Cycle de développement : Endogène et hétérodynamique : le ralentissement de l’activité en vue de l’entrée en diapause est notamment induit par l’horloge interne de la colonie. Les larves freineront alors leur développement, avant d’hiverner et de reprendre leur croissance au printemps.

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4) RÉPARTITION :
Cette espèce se rencontre partout en Europe, ainsi que dans l’Ouest de l’Asie. Elle a été introduire en Algérie et en Amérique du Nord.
5) ÉLEVAGE :
Température de maintien : Cette fourmi tolère une large gamme de températures, et pourra ainsi être aussi bien maintenue à 18 qu’à 26 degrés. Afin de permettre un développement optimal, créer dans le nid un point chaud jusqu’à 27 degrés tout en conservant la fraîcheur dans le reste de l’installation pourra toutefois lui être favorable.
Hygrométrie : Entre 40 et 70 % de la surface du nid pourra être humidifiée ; ces fourmis sont relativement tolérantes sur ce paramètre.
Installation : Après une fondation en tube à essai, la colonie peut être élevée dans n’importe quel type de nid classique, tant que le système d’humidification est efficace. Les cocons seront souvent situés au point chaud et sec du nid.

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Foreuse ? : Non.
Diapause : Lasius niger est endogène et hétérodynamique ; la diapause lui est donc indispensable. Elle devra durer environ quatre mois (généralement de novembre à mars), à une température comprise entre 1 °C et 10 °C.
Fondation : Claustrale ; une fois la reine placée en tube à essai, il n’y aura plus besoin de la nourrir jusqu’à l’émergence des premières ouvrières.

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Alimentation en élevage : Elles sont très opportunistes et se contentent de tout. Comme la plupart des fourmis, elles seront principalement nourries de substances sucrées (pseudo-miellats, beetle jelly, fruits…) et d’insectes. Il est parfois préférable de ne leur distribuer les liquides sucrés qu’imbibés dans du coton afin d’éviter les noyades, qui seront plus problématiques pour une jeune fondation avec peu d’ouvrières. Il vaudra mieux leur proposer des insectes fraîchement tués plutôt que congelés, car ces derniers seront parfois boudés.
Détails à ajouter : Cette espèce est très facilement trouvable presque partout en Europe ; si vous souhaitez maintenir cette espèce, nous vous conseillons donc de prélever une reine par vous-mêmes durant les essaimages (pendant lesquels elles sont très nombreuses au sol) ou en récupérer une auprès d’un autre éleveur, plutôt que de l’acheter.
Difficulté d’élevage : Très facile. Tout comme les autres Lasius du groupe niger, cette espèce sera très tolérante vis-à-vis des erreurs, et pourra prospérer dans une large gamme de conditions d’élevage. Elle sera ainsi parfaitement adaptée même pour un premier élevage de fourmis, bien qu’il faille garder en tête que les colonies populeuses pourront se révéler encombrantes sur le long terme.
Sources et Crédits :
Publications myrmécologiques :
- Beckers, R.; Goss, S.; Deneubourg, J.-L.; Pasteels, J. 1989. Colony Size, Communication and Ant Foraging Strategy. Psyche. 96. 10.1155/1989/94279. (https://www.researchgate.net/publication/27373160_Colony_Size_Communication_and_Ant_Foraging_Strategy)
- Bernard, F. 1967. Faune de l’Europe et du Bassin Méditerranéen. 3. Les fourmis (Hymenoptera Formicidae) d’Europe occidentale et septentrionale. Paris: Masson, 411 pp. (https://www.antcat.org/references/122660)
- Boudinot, B. E.; Borowiec, M. L.; Prebus, M. M. 2022. Phylogeny, evolution, and classification of the ant genus Lasius, the tribe Lasiini and the subfamily Formicinae (Hymenoptera: Formicidae). Systematic Entomology 47:113-151. 10.1111/syen.12522 (https://www.antcat.org/references/143938)
- Dalla Torre, K. W. 1893. Catalogus Hymenopterorum hucusque descriptorum systematicus et synonymicus. Vol. 7. Formicidae (Heterogyna). Leipzig: W. Engelmann, 289 pp. (https://www.antcat.org/references/124002)
- Kramer, B.; Schaible, R.; Scheuerlein, A. 2016. Worker lifespan is an adaptive trait during colony establishment in the long-lived ant Lasius niger. Experimental Gerontology. 85. 10.1016/j.exger.2016.09.008. (https://www.researchgate.net/publication/307994497_Worker_lifespan_is_an_adaptive_trait_during_colony_establishment_in_the_long-lived_ant_Lasius_niger)
- Seifert, B. 1991. Lasius platythorax n. sp., a widespread sibling species of Lasius niger (Hymenoptera: Formicidae). Entomologia Generalis 16:69-81. (https://www.antcat.org/references/128571)
- Seifert, B. 2020. A taxonomic revision of the Palaearctic members of the subgenus Lasius s.str. (Hymenoptera, Formicidae). Soil Organisms 92 (1):15-86. 10.25674/so92iss1pp15 (https://www.antcat.org/references/143711)
- Starr, C. K. (Ed.). 2021. Encyclopedia of social insects (1st ed. 2021.). Springer. https://doi.org/10.1007/978-3-030-28102-1
- Stukalyuk, S. 2025. Potential for Transition to a Polygynous-Supercolonial Demography in Lasius Niger (Hymenoptera, Formicidae). Zoodiversity. 59. 148-168. 10.15407/zoo2025.02.148. (https://www.researchgate.net/publication/391066334_Potential_for_Transition_to_a_Polygynous-Supercolonial_Demography_in_Lasius_niger_Hymenoptera_Formicidae)
Sites Internet :
- Antcat.org
- Antwiki.org
- Antmaps.org
- Antweb.org
- AntArea.fr
- Inaturalist.org
- Wiktionnaire (https://fr.wiktionary.org/wiki/Wiktionnaire:Page_d%E2%80%99accueil)
Nos éleveurs : One ants, Mahé, Dylan…