Fiche d'élevage : Manica rubida

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Photographie couverture de la page Europe, recadrée pour une meilleure intégration.
1) CLASSIFICATION ET SIGNIFICATION :
Famille : Formicidae
Sous-famille : Myrmicinae
Tribu : Myrmicini
Genre : Manica
Espèce : Manica rubida
Taxonomiste et année de description : Elle fut décrite par Latreille en 1802 sous le nom de Formica rubida.
Noms vernaculaires : Grande fourmi rouge.
Synonymes et anciens noms utilisés : On compte parmi les synonymes de Manica rubida les taxons Myrmica leonina et Myrmica montana ainsi que les combinaisons obsolètes Formica rubida, Myrmica rubida, et Neomyrma rubida. Aucun synonyme n’est encore actuellement utilisé.
Étymologie genre : Du grec ancien μανικός (mănĭkós), « fou ».
Étymologie espèce : Du latin rubidus, « rouge-brun ».
2) MORPHOLOGIE ET IDENTIFICATION :
TAILLE OUVRIÈRES : 5 à 9 mm

TAILLE GYNE : 9,5 à 13 mm

Arnaud Lorre
TAILLE MÂLE : 8 à 10 mm

Morphisme : Cette espèce est monomorphe, bien que l’on observe des variations de taille entre les ouvrières d’une même colonie.

Identification : Manica rubida est la seule espèce européenne de son genre. Bien qu’elle soit semblable aux Myrmica, elle s’en distingue aisément par sa grande taille et l’absence d’épines propodéales.
Description et particularités physiques : Les ouvrières, de grande taille et assez sveltes, sont d’une teinte rougeâtre plus ou moins sombre en fonction des populations et des individus, avec un gastre partiellement assombri. Finement sculpté, leurs corps est hérissé de longues soies fines. Leur propodeum ne porte aucune épine, et leurs mandibules sont pourvues de nombreuses mais très petites dents. Elles sont dotées d’un aiguillon fonctionnel, dont elles n’hésitent pas à se servir.
Les reines sont similaires aux ouvrières, bien qu’elles soient plus grandes et possèdent un mesosoma classiquement plus volumineux. Elles sont la plupart du temps macroptères à l’émergence, leurs ailes étant parfaitement développées à ce moment ; cependant, on observe parfois dans les colonies des « microgynes » à l’apparence intermédiaire entre ouvrières et macrogynes, qui ne portent que de courtes ébauches alaires.
Les mâles, également de silhouette svelte, sont quant à eux entièrement noir ou brun sombre.
3) BIOLOGIE :
Description du biotope : Manica rubida est essentiellement présente en montagne de 900 à 2 000 mètres d’altitude. Surtout en Europe centrale, elle peut cependant également être rencontrée à basse altitude.
Elle apprécie particulièrement les milieux ouverts comme les prairies, les lisières, les pistes forestières, les talus, les gravières ou encore les zones sablonneuses des lits de rivières.

One ants, massif des Aravis (Haute Savoie, France)

One ants, Semnoz (Haute Savoie, France)
Nidification : Les nids sont essentiellement sous les pierres ou dans le sol, les entrées sont généralement entourées de grains de sable ou de terre d’une taille relativement constante. Bien qu’étant le plus souvent discrètes, ces entrées de nid peuvent rarement être surmontées de monticules de terre atteignant exceptionnellement 30 centimètres de haut. Les colonies sont parfois polydomes, et occupent alors de multiples nids disséminés sur une surface restreinte.

Démographie : Les colonies comptabilisent plusieurs milliers d’individus.
Particularités comportementales : Manica rubida est une fourmi vive fourrageant activement en surface, généralement en solitaire bien que des recrutements puissent se former sur les sources de nourriture. Les colonies sont le plus souvent éparses, mais peuvent occasionnellement atteindre d’assez importantes densités dans les biotopes favorables.
Très agressive, cette espèce s’attaque régulièrement à d’autres fourmis afin de défendre son territoire, et rivalise ainsi très souvent avec les Formica dans ses biotopes de prédilection. Elle n’hésite pas à se servir de son aiguillon, que ce soit pour chasser ou afin de se défendre. La piqûre est particulièrement douloureuse ; en 2025, deux cas de réactions allergiques ayant abouti à un choc anaphylactique sont recensés.
En plus des macrogynes assurant la ponte, les colonies recèlent parfois des microgynes brachyptères, dont le comportement est identique à celui des ouvrières. Ces microgynes demeurent cependant dotées d’une spermathèque fonctionnelle, et peuvent rarement être fécondées ; leur rôle exact au sein des colonies n’est encore qu’incomplètement connu.
On pourra également noter qu’au moins en laboratoire, les colonies peuvent être hôtes des chenilles de certains lépidoptères de la famille des Lycaenidae, qui dépendent complétement des fourmis (habituellement des Myrmica) lors de leurs derniers stades de développement.
Alimentation : Cette espèce est omnivore, et consomme aussi bien des insectes en tout genre que
des substances sucrées. Les ouvrières ont cependant une grande préférence pour les aliments protéinés, dont des insectes fraîchement morts ou affaiblis qu’elles n’hésitent pas à chasser à l’aide de leur aiguillon au besoin.
Essaimage : Les sexués de Manica rubida apparaissent dans le nid à la fin de l’été, et y passent habituellement une première diapause avant d’essaimer au printemps à partir d’avril ou mai. Les envols se déroulent le plus souvent le matin, et ont généralement lieu les jours où la température dépasse les 18 °C.
Notamment en altitude, les essaimages sont cependant susceptibles de prendre place bien plus tard dans l’année, parfois jusqu’au mois d’août. Puisqu’étant semi-claustrales, les gynes désailées fourrageant au sol peuvent être observées tout au long de l’année sans qu’un essaimage n’ait nécessairement eu lieu les jours précédents.
Gynie : Monogyne ou faiblement polygyne ; une ou quelques reines assurent la reproduction dans chaque colonie.
Fondation : Indépendante et semi-claustrale ; les gynes doivent chercher de la nourriture hors de leur loge afin de nourrir le couvain de la première génération d’ouvrières.
Cycle de développement : Endogène-hétérodynamique, l’entrée en diapause est déclenchée par l’horloge interne de la colonie sans que les conditions extérieures n’aient forcément d’influence sur le processus.
La diapause chez cette espèce peut arriver assez vite après la fin de l’été selon la localisation et les conditions météorologiques.


4) RÉPARTITION :
Cette espèce se rencontre dans plusieurs pays européens où l’on trouve les biotopes montagneux qu’elle affectionne.
En France, on la rencontrera essentiellement dans les régions alpines ainsi que dans le Massif Central.
5) ÉLEVAGE :
Température de maintien : L’espèce est sensible aux températures trop élevées. L’idéal se situe entre 20 °C et 23°C. Il faudra éviter de dépasser les 25 °C, bien que certaines colonies puissent tolérer un point chaud à certains endroits du nid.
Hygrométrie : Entre 60 % et 80 % de la surface du nid pourra être humidifiée.
Installation : La fondation peut avoir lieu en tube classique, mais il est tout de même à noter que l’ajout d’un substrat tel que du sable ou un mélange de plusieurs substrats utilisés en terrariophilie peut grandement aider à la fondation. En effet, d’après les observations et expériences de plusieurs éleveurs, les gynes contruisent souvent une loge si on leur propose un tel substrat.

Il faudra aussi prévoir une zone de nourrissage dès la mise en tube des gynes (telle qu’une petite aire de chasse), ou bien les nourrir directement dans celui-ci en évitant le stress auquel elles sont relativement sensibles.

Ensuite, la colonie pourra s’adapter à tout type de nid pouvant lui apporter les conditions dont elle a besoin, en particulier une forte hygrométrie.

Atrax59
Foreuse ? : Non.
Diapause : Une diapause rigoureuse d’au moins 4 mois entre 1 et 8 °C est importante pour le bon développement de la colonie.
Fondation : Indépendante et semi-claustrale ; il est impératif de nourrir la ou les gynes en fondation qui n’ont aucune réserve pour nourrir leur premier couvain. On peut ainsi proposer de petits insectes fraîchement tués, comme des drosophiles qui semblent grandement appréciées, ainsi que des sources de nourriture sucrée via des pseudo-miellats en tout genre.

Alimentation en élevage : On pourra nourrir cette espèce avec la plupart des sources de nourriture habituelles, notamment des protéines sous la forme de mouches, grillons, blattes et tout autre insecte, mais aussi des substances sucrées. Elles ont tout de même une préférence pour les insectes, qui doivent être donnés régulièrement en quantité. Ils sont directement emportés dans le nid, et sont ensuite découpés et distribués au couvain. Il n’est d’ailleurs pas rare chez les Manica de voir les larves se mouvoir seules pour se nourrir directement sur les cadavres.

Détails à ajouter : Une espèce particulièrement intéressante par sa grande taille, son activité et son agressivité, qui fait donc une espèce parfaite pour un éleveur avec un peu d’expérience désirant un peu de challenge au sein de son élevage.
Difficulté d’élevage : Plutôt difficile de maintien pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la fondation délicate est souvent un obstacle à la réussite. Par la suite, la température doit rester fraîche même en plein été, ce qui peut être difficile à gérer dans de nombreuses habitations. Enfin, la diapause rigoureuse doit pouvoir être menée sans encombre. Tout cela demande une certaine expérience en myrmécophilie ainsi que des moyens matériels adaptés ; néanmoins, si tous les paramètres sont respectés, une fois l’étape de la fondation passée, la colonie peut vite prospérer.

Sources et Crédits :
Publications myrmécologiques :
- Bernard, F. 1967. Faune de l’Europe et du Bassin Méditerranéen. 3. Les fourmis (Hymenoptera Formicidae) d’Europe occidentale et septentrionale. Paris: Masson, 411 pp. (https://www.antcat.org/references/122660)
- Dalla Torre, K. W. 1893. Catalogus Hymenopterorum hucusque descriptorum systematicus et synonymicus. Vol. 7. Formicidae (Heterogyna). Leipzig: W. Engelmann, 289 pp. (https://www.antcat.org/references/124002)
- Depa, Ł. 2006. Weather conditions during nuptial flight of Manica rubida (LATREILLE, 1802)(Hymenoptera: Formicidae) in southern Poland. Myrmecological News. 9. 27-32. (https://www.researchgate.net/publication/228535445_Weather_conditions_during_nuptial_flight_of_Manica_rubida_LATREILLE_1802Hymenoptera_Formicidae_in_southern_Poland)
- Krapf, P. 2023. Contribution of the public to the modelling of the distributions of species: Occurrence and current and potential distribution of the ant Manica rubida (Hymenoptera: Formicidae). European Journal of Entomology. 120. 137-148. 10.14411/eje.2023.017. (https://www.researchgate.net/publication/370640644_Contribution_of_the_public_to_the_modelling_of_the_distributions_of_species_Occurrence_and_current_and_potential_distribution_of_the_ant_Manica_rubida_Hymenoptera_Formicidae)
- Lenoir, A.; Devers, S.; Marchand, P.; Bressac, C.; Savolainen, R. 2010. Microgynous Queens in the Paleartic Ant, Manica rubida: Dispersal Morphs or Social Parasites?. Journal of insect science (Online). 10. 17. 10.1673/031.010.1701. (https://www.researchgate.net/publication/44800879_Microgynous_Queens_in_the_Paleartic_Ant_Manica_rubida_Dispersal_Morphs_or_Social_Parasites)
- Tartally, A. 2004. Is Manica rubida (Hymenoptera: Formicidae) a potential host of the Maculinea alcon (Lepidoptera: Lycaenidae) group?. Myrmecologische Nachrichten. 6. 23-27. (https://web.unideb.hu/tartally/pub/Tartally_Manica_2004.pdf)
- L. Mencarelli, A. Sabine, J.P. Lantin, I. Forini Giacalone, C. Ribi. April 2025. Revue Française d’Allergologie Volume 65. Allergie au venin de la fourmi Manica rubida : une histoire de famille. https://doi.org/10.1016/j.reval.2025.104334
Sites Internet :
- Antcat.org
- Antwiki.org
- Antmaps.org
- Antweb.org
- AntArea.fr
- Inaturalist.org
- Wiktionnaire (https://fr.wiktionary.org/wiki/Wiktionnaire:Page_d%E2%80%99accueil)
Nos éleveurs : Triturus, One ants, Atrax59.