Fiche d'élevage : Messor barbarus

1) CLASSIFICATION ET SIGNIFICATION :

Famille : Formicidae
Sous-famille : Myrmicinae
Tribu : Stenammini
Genre : Messor
Espèce : Messor barbarus

Taxonomiste et année de description : Carl Linnæus en 1767 (sous le nom de Formica barbara).
Noms vernaculaires :  Elle est couramment appelée « fourmi moissonneuse », tout comme les autres Messor.
Synonymes et anciens noms utilisés : Myrmica rufitarsis, Formica megacephala, Formica juvenilis et Formica binodis sont synonymes de Messor barbarus ; aucun de ces taxons n’est encore couramment utilisé. L’orthographe erronée Messor barbara est parfois utilisée dans les anciennes publications.

Étymologie genre : Du latin messis, « moisson ».
Étymologie espèce : Du latin barbarus, « barbare ». Ce nom aurait été donné à l’espèce en raison de sa localité typique, située dans la région d’Afrique du Nord appelée Barbarie par les Grecs antiques.

2) MORPHOLOGIE ET IDENTIFICATION :

TAILLE OUVRIÈRES : 3 à 12 mm
MINOR
MEDIA
MAJOR
TAILLE GYNE : 12 à 15 mm
TAILLE MÂLE : 8 à 9 mm

Morphisme : Un fort polymorphisme est présent au sein des colonies matures ; on peut séparer les ouvrières en minors, médias et majors. Ces dernières sont reconnaissables à leur tête surdimensionnée, utile au décorticage des graines. Il peut y avoir de grandes variations de taille pour chacune des sous-castes, et tous les intermédiaires sont présents, c’est pourquoi le polymophisme de cette espèce est dit « continu ».

Identification : L’espèce peut être confondue avec Messor capitatus, dont elle diffère notamment par un propodeum plus arrondi. D’une taille plus restreinte, les M. barbarus présenteront une grande variation en termes de coloration, mais les grandes ouvrières auront généralement une tête rougeâtre, tandis que M. capitatus sera toujours noire luisante. Enfin, la confusion est possible en Espagne avec l’espèce récemment décrite Messor erwini ; cependant, les minors de M. barbarus pourront en être distinguées par leur mésonotum peu sculpté (là où il est fortement sculpté chez M. erwini), et les majors par leur propodeum arrondi en vue de profil (alors qu’il est distinctement anguleux chez M.erwini). Pour plus de détails sur la distinction de ces espèces, voir Orou et al., 2023.

Description et particularités physiques : Les individus sont majoritairement noirs, à l’excpetion de la tête qui, chez les médias et les majors, est le plus souvent d’un rouge plus ou moins vif. Cette espèce est particulièrement variable en coloration, et l’on pourrait très rarement rencontrer des colonies dans lesquelles les majors sont entièrement noires, ou au contraire d’autres où tous les individus, minors comprises, sont partiellement rouges ou orangés.

3) BIOLOGIE :

Description du biotope : Elle vit dans des biotopes ouverts, tels que les prairies herbeuses, les sous-bois clairsemés, ainsi que les zones arides composées de broussailles. Elle est également présente dans les milieux anthropisés tels que les cultures agricoles, les parcs, les jardins, et même jusqu’au bord des trottoirs. Cette espèce est essentiellement présente en plaine, et ne dépasse que rarement 500 mètres d’altitude.

Garrigue autour de Viol-Le-Fort, Hérault, sud de la France, photo par isasza

Alicante, Garrigue del barrio « El Palmeral », communidad Valenciana, Espagne, photo par One ants

Champ autour de Montpellier, photo par Alavir

Nidification : Les nids sont toujours terricoles. Ils peuvent atteindre plusieurs mètres de profondeur. Chaque nid peut compter jusqu’à 200 salles, dont certaines servent à stocker le couvain et d’autres font office de greniers à graines. Chaque nid est susceptible d’avoir plusieurs entrées, qui sont souvent facilement repérables aux nombreux débris (notamment des restes de graines) jonchant les alentours. Ces entrées sont larges lorsque l’activité de la colonie est intense, mais peuvent être entièrement refermées lorsque le fourragement cesse, par exemple en cas de forte chaleur.

Entrée de nid dans le parc des Calanques de Marseille. Photo d’un contributeur de Discord ne souhaitant pas être cité.

Démographie : Il est assez difficile d’estimer avec précision la démographie maximale de l’espèce. Les colonies matures atteignent au moins 8 000 ouvrières, mais paraissent parfois largement dépasser ce nombre et compter plusieurs dizaines de milliers d’individus in natura.

Particularités comportementales : Cette espèce peut être très présente dans ses milieux de prédilection, bien qu’elle soit peu agressive envers les autres fourmis. Les majors mordent fort bien qu’elles ne soient pas spécialisées pour se battre mais plutôt pour l’exécution des travaux lourds tels que le transport ou la décortication des grosses graines.
Les colonies matures de Messor barbarus sont facilement repérables aux pistes, ou autoroutes de fourmis, qu’elles constituent pour aller chercher de la nourriture jusqu’à plusieurs dizaines de mètres (parfois plus de 40 mètres) autour du nid. Sur ces pistes ne se trouve plus aucun obstacle, les ouvrières nettoyant le passage pour qu’il ne reste plus aucune herbe ni aucun petit caillou. Cela n’empêche pas une partie des ouvrières de fourrager en solitaire aux alentours afin de récupérer des graines plus isolées.
En automne et au printemps, elles fourragent toute la journée, avec un pic d’activité dans l’après-midi. L’été, elles fourragent davantage le soir et le matin, voire même en pleine nuit, mais très peu en pleine journée en cas de fortes chaleurs, où les pistes de fourragement se raccourcissent de plus en plus jusqu’à ce que l’activité cesse presque complètement.

Les ouvrières ramènent les graines directement dans le nid, ou à proximité de l’entrée avant qu’une autre prenne le relai. Ces graines sont amassées en été afin de constituer de grandes réserves stockées dans des salles spécialisées, les greniers. Ceux-ci sont gérés pour éviter la germination des graines et les moisissures. Pour cela, les ouvrières utiliseraient une substance antifongique appelée « Myrmicacine » secrétée par les glandes métapleurales (voir Hermann Schildknecht,1971) ; ce sont probablement les traces blanches que l’on pourra facilement observer en captivité dans les zones sèches du nid. Avec les graines, elles fabriquent un « pain de fourmis » qu’elles confectionnent en les mastiquant jusqu’à en faire une pâte. Il sera consommé par les membres de la colonie ou directement déposé sur les larves pour les nourrir.

En France, elle peut partager son biotope avec d’autres espèces du genre telles que M. capitatus et M. bouvieri. Plusieurs colonies partageant une même aire de fourragement peuvent entrer en compétition, ce qui peut parfois donner lieu à des escarmouches.
A noter que certaines autres fourmis telles que des Camponotus et des Cataglyphis peuvent se nourrir des ouvrières de Messor.

Les nids de Messor hébergent de nombreux arthropodes myrmécophiles commensaux, qui s’y nourrissent des abondants débris.

A noter que les ouvrières sont capables de striduler, bien que le crissement ainsi produit soit trop faible pour être distinct pour l’oreille humaine.

Alimentation : Ces fourmis sont principalement granivores : elles récoltent toutes sortes de graines dans leur environnement et les entreposent dans le nid afin de les consommer ultérieurement. D’autres débris végétaux peuvent plus occasionnellement être ramenés au nid. Des cadavres d’insectes sont susceptibles être consommés, mais ne représentent qu’une part négligeable de leur alimentation. Pour plus de détails sur la composition de leur régime, voir Azcárate et al., 2005.
Elles n’ont pas de jabot social, et ne pratiquent pas de trophallaxie ; de fait, elles sont incapables de ramener efficacement de la nourriture liquide au nid.

Gaetanthefrog

Essaimage : Les essaimages se font en automne, de début septembre à fin novembre avec un pic d’envol vers mi-octobre. Toutefois, et probablement d’autant plus avec le changement climatique, les vols nuptiaux peuvent parfois être relativement décalés. Il est donc de plus en plus commun d’avoir des envols précoces, voire tardifs si l’hiver est particulièrement doux. Des observations de vols nuptiaux jusqu’à fin décembre et même juste avant le printemps nous ont déjà été rapportées.

Les essaimages les plus importants ont lieu deux à trois jours après des épisodes pluvieux. Ils peuvent être synchronisés sur plusieurs centaines de kilomètres, et sont susceptibles d’être massifs.

Cette espèce pratique l’hybridogenèse sociale : deux lignées génétiques sont présentes, et chaque reine s’accouple à la fois avec des mâles des deux lignées. Les oeufs fécondés par la semence d’un mâle de lignée différente donneront des ouvrières, là où ceux fécondés par un mâle de la même lignée se développeront en nouvelles gynes, ce qui conserve ainsi la pureté de chaque lignée. Pour plus de détails, voir Romiguier et al., 2016.

Gynie : Dans la nature, cette espèce est monogyne.
Les colonies polygynes, qui demeurent instables, ne sont obtenues qu’après des manipulations d’élevage.

Fondation : Indépendante et claustrale ; la gyne ne sortira pas de sa loge, et tiendra sur ses réserves jusqu’à l’émergence des premières ouvrières, qui iront chercher les premières graines. En général, la gyne ne commence à pondre qu’après l’hiver, et sa fondation a donc lieu au cours du printemps.

Cycle de développement : Cette espèce est exogène-hétérodynamique, sa diapause est déclenchée par les conditions extérieures telles que la baisse de la température.

Ptinoob

4) RÉPARTITION :

Elle s’observe sur le pourtour du bassin méditerranéen, principalement au Portugal et en Espagne, mais également dans le Sud de la France et au Nord du Maghreb (littoraux marocains, algériens et tunisiens). Elle est absente en Corse, aux Baléares et en Sardaigne.
En France continentale, elle est présente sur tout le pourtour méditerranéen.

5) ÉLEVAGE :

Température de maintien : 20 °C à 29 °C ; la température optimale d’élevage avoisine 25 °C à 29 °C. Pour une grande colonie, l’idéal sera de varier les températures, par exemple en proposant un point chaud sur une partie du nid (ou seulement sur un seul nid s’il y en a plusieurs) afin de créer un gradient thermique ; ainsi, la colonie pourra s’y déplacer en fonction de ses besoins.

Hygrométrie : 20 à 60 % de la surface du nid pourra être humidifiée. Il vous faudra créer un gradient hygrométrique : une partie du nid devra être humide afin de permettre aux fourmis de fabriquer le pain de fourmis et entreposer une partie du couvain, et une autre devra être sèche afin de permettre le stockage des graines. Pour une grande colonie, il est donc tout à fait possible de proposer différents nids, certains humides et d’autres secs. Cependant, certains éleveurs maintiennent Messor barbarus dans des nids complétements secs en laissant comme seule source d’eau des abreuvoirs dans l’aire de chasse, ce qui semble fonctionner à court terme bien qu’humidifier une partie du nid reste préférable.

Installation : Après une fondation classique en tube à essai, cette espèce pourra se contenter de tout type de nid résistant à leurs mandibules. En effet, Messor barbarus est capable de creuser les matériaux trop friables ; de fait, les nids en plâtre et en PLA seront à éviter, et ceux en béton cellulaire devront être blindées, par exemple avec du plâtre résiné, du mortier, du mortier colle ou encore du ciment (voir notre guide sur la construction d’un nid).

Le nid devra avoir des profondeurs de salles suffisantes, d’environ un centimètre au minimum, pour ne pas gêner le déplacement de la gyne ou des majors et offrir suffisamment de place pour la confection du pain de fourmis. En effet, afin de le fabriquer, les ouvrières prennent généralement appui sur les hauteurs et gardent la tête en bas afin de mastiquer les graines.

Foreuse ? : Oui. Les Messor creusent aisément les matériaux trop fragiles, et ce même sans manquer de place. Bien que le fait soit rare chez les colonies peu populeuses, elles en restent toutefois capables. Comme évoqué précédemment, il faudra donc faire attention aux matériaux utilisés.

Diapause :
Contrairement à certaines idées reçues, la diapause est obligatoire pour Messor barbarus. Idéalement, il est conseillé de les mettre en diapause de 3 à 4 mois (généralement de novembre à mars) entre 6 °C et 12 °C.

D’après les résultats de Cerdan et Délye, 1990, les gynes ayant eu des diapauses de 3 mois à des températures d ‘environ 7 °C ont plus de 80 % de chances de survie au bout d’un an, tandis que plus des deux tiers de celles ayant diapausé durant moins de trois mois, ainsi que toutes celles maintenues à température ambiante, meurent. Même pour des reines seules, une diapause rigoureuse sera donc indispensable, bien qu’elle soit à adapter à la localité d’origine de votre reine.

Fondation : Claustrale ; la reine placée dans un tube à essai avec une réserve d’eau n’aura pas besoin d’être nourrie jusqu’à l’émergence des premières ouvrières. La fondation n’aura généralement lieu qu’après une première diapause.

A l’arrivée des ouvrières, une aire de chasse peut être raccordée au tube, et il est alors possible de leur proposer un deuxième tube sec qui pourra être utilisé par la colonie pour entreposer les graines. Cette simple installation sera suffisante jusqu’à ce que le tube humide soit rempli d’ouvrières, généralement aux alentours de 50 à 100 individus, après quoi il sera possible de leur proposer un premier petit nid.

A la fin de la première année de développement, les colonies compteront souvent entre 50 et 100 ouvrières. Les années suivantes, le développement devient exponentiel, et la démographie peut ainsi dépasser le millier d’ouvrières lors de la troisième ou la quatrième année.

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Alimentation en élevage : Étant essentiellement granivores, vous devrez leur fournir des graines comme base de l’alimentation. Elles devront être de petite taille pour les fondations, et de toutes tailles une fois que les premières médias et majors émergeront. Il est conseillé de varier autant que possible les graines que vous proposez à votre colonie, d’abord afin de vous assurer que leur alimentation soit complète (les nutriments variant en fonction des graines) mais aussi parce que chaque colonie a ses préférences, qui peuvent changer avec le temps. 

Beaucoup de graines sont acceptées (quinoa, blé, lin, alpiste, niger, navette, avoine, chia, pavot, amarante, chanvre…). De ce fait, de simples mélanges de graines pour oiseaux pourront convenir. Certaines graines comme le niger contiennent plus de protéines que d’autres, et sont donc intéressantes à ajouter à vos mélanges. Vous pouvez aussi récolter quelques graines dans la nature, comme les graines de pissenlits qui sont très appréciées, surtout pour les fondations. Veillez toutefois à bien choisir l’emplacement de vos récoltes, en évitant par exemple le bord des routes fréquentées, les villes ou tout autre environnement potentiellement pollué.

Occasionnellement, des protéines supplémentaires peuvent leur être apportées par le biais d’insectes fraîchement tués. Certains éleveurs font néanmoins le choix de faire abstraction de cet apport en ne donnant que des graines, sans que cela soit un frein au développement. Le recul manque sur l’option la plus optimale ; cependant, si vous choisissez de ne leur donner que peu ou pas d’insectes, leur fournir des graines riches en protéines sera obligatoire.

Enfin, de manière facultative, des aliments sucrés peuvent occasionnellement être proposés à la colonie. En l’absence de trophallaxie, le pseudo-miellat ne profitera qu’aux fourrageuses, mais de petits morceaux de fruits pourront également être proposés et seront quant à eux ramenés au nid.

Détails à ajouter : Espèce active toute l’année, sauf lors de la diapause. Son mode de vie favorise le développement d’acariens détritivores dans l’installation, bien qu’ils ne soient pas nocifs tant qu’ils ne sont pas trop nombreux. Afin de limiter leur nombre, il conviendra de nettoyer régulièrement l’installation, en particulier le dépotoir.
Des psoques peuvent également s’inviter dans vos installations et être nombreux dans les réserves de graines ainsi que les dépotoirs, sans qu’ils ne posent le moindre problème ; au contraire, la concurrence qu’ils constituent face aux acariens détritivores pourrait même être bénéfique.

Des fondations polygynes sont parfois maintenues, mais résultent de manipulations d’élevage donnant lieu à des situations absentes dans la nature. De ce fait, elles paraissent demeurer instables ; l’évolution de la colonie à moyen terme sera très aléatoire, et pourra parfois aboutir à l’élimination d’une partie des reines. Pour cette raison, nous vous conseillons de privilégier les colonies monogynes.

Difficulté d’élevage : Très facile. Il s’agit d’une des espèces les plus souvent recommandées aux débutants, puisqu’elle s’adapte à une large gamme de conditions d’élevage, et tolère de nombreuses erreurs.

Il faudra toutefois prendre en compte leur relative sensibilité aux vibrations, et surtout la grande taille que peuvent atteindre les colonies ; en effet, au bout de quelques années, elles demanderont une place conséquente (plus d’un mètre carré), en gardant en tête que l’installation devra toujours pouvoir être déplacée l’hiver afin d’effectuer convenablement la diapause.

Sources et Crédits :

 Publications myrmécologiques :

Sites Internet :

Nos éleveurs : Triturus, One Ants, Yacci, Alavir, Ptinoob.

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