Fiche d'élevage : Mystrium oberthueri

(⚠️Problèmes majeurs ⚠️)

L’espèce dont il est question dans cette fiche n’a quasiment jamais été élevée et n’est que très peu étudiée. Cette fiche est basée sur le récit d’élevage d’une unique colonie. Par ailleurs certaines informations ici présentes peuvent être des projections des connaissances sur d’autres Amblyoponinae, et non des connaissances spécifiques.

1) CLASSIFICATION ET SIGNIFICATION :

Famille : Formicidae
Sous-famille : Amblyoponinae
Tribu : Amblyoponini
Genre : Mystrium
Groupe d’espèces : Groupe woeltzkowi
Espèce : Mystrium oberthueri

Taxonomiste et année de description : Décrite par Auguste Forel en 1897.
Noms vernaculaires : Les fourmis du genre Mystrium sont souvent appelées Snap-Jaws ants, Fourmis Dracula ou Fourmis vampires.

Étymologie genre : 
Du grec ancien μύστρον (mústron), « cuillère », en référence à la forme des mandibules de Mystrium mysticum (l’espèce type du genre), qui sont élargies vers l’apex.
Étymologie espèce : Nom en hommage à Charles Oberthür, entomologiste français né en 1815 à Rennes et mort en 1924.

2) MORPHOLOGIE ET IDENTIFICATION :

TAILLE OUVRIÈRES : 10 à 13,5 mm (mandibules comprises)
TAILLE ERGATOGYNE : 8 à 11 mm (mandibules comprises)
TAILLE MÂLE : 7 mm

Morphisme : L’espèce est dans les faits monomorphe puisqu’il n’y a qu’une seule sous-caste ouvrière dont la taille varie modérément. Cependant, au sein d’une colonie, une grande partie des ergatogynes sont non fécondées et vont donc jouer un rôle d’ouvrières. On entendra parfois les termes « major » pour décrire les ouvrières et « minor » pour décrire les ergatogynes non fécondées, cette dénomination est cependant incorrecte.

Identification : L’identification des Mystrium sp. de Madagascar et des Comores peut s’avérer difficile. Nous vous conseillons de suivre la clé de Yoshimura & Fisher (2014), également disponible sur Antwiki (https://antwiki.org/wiki/Key_to_Malagasy_Mystrium_Species).

Description et particularités physiques : Mystrium oberthueri possède de grandes mandibules pouvant compter pour un tiers de la longueur de la fourmi. Ces mandibules en forme de spatule lui permettent de s’accrocher aux myriapodes qu’elle chasse. La tête est beaucoup plus large que le reste du corps et les yeux sont très peu développés. La cuticule est noire mate, épaisse et striée. Elles possèdent un gastre élancé et pointu avec un aiguillon et du venin.

Mystrium oberthueri est l’une des rares espèces avec des gynes constamment plus petites que les ouvrières. Elles sont en outre ergatoïdes, et n’ont donc jamais d’aile. La différence entre les ouvrières et ces ergatogynes peut facilement être réalisée par la forme des mandibules : l’angle formé par celles des gynes est plus obtus que chez les ouvrières. On note également la présence de petites épines près des mandibules chez les ouvrières, là où elles sont absentes chez les gynes.

Même si les femelles n’ont pas une très bonne vue, le mâle possède un nombre d’ommatidies similaire aux ouvrières d’Harpegnathos et de grands ocelles, ce qui lui confère une très bonne vision.

Collage réalisé à partir des specimens CASENT0101949 et CASENT0101993 , photographies réalisées par April Nobile (Antweb) CC-BY-SA-3.0

3) BIOLOGIE :

Description du biotope : Mystrium oberthueri vit dans les sous bois des forêts tropicales humides primaires de Basses Terres, au Nord et à l’Est Madagascar. Elle s’observe de manière plus sporadique dans le reste de l’île.

Forêt de basse terre, Masoala National Park, Madagascar : Franck Vassen (CC BY 2.0)

Nidification : Les nids sont généralement situés dans des troncs d’arbres pourris, des chicots forestiers ou dans des racines en décomposition. Les colonies sont très discrètes et ne fourragent que très peu.

Démographie :
Les colonies sont peuplées de quelques dizaines d’individus (environ de 20 à 70). Elles sont composées d’environ une moitié de gynes ergatoïdes et d’une moitié d’ouvrières.

Particularités comportementales : Les Mystrium sont des prédatrices spécialisées dans la chasse de grands mille-pattes. Elles utilisent leurs mandibules et leur aiguillon pour capturer leurs proies.

Lors des déménagements, elles sont capables de marquer une piste phéromonale en frottant leur gastre sur le sol. Mystrium rogeri utilise également de telles pistes phéromonales afin de mobilier des recrutements sur les sources de nourriture, et il n’est donc pas impossible que ce soit également le cas chez M. oberthueri, bien que cela reste à vérifier.

Pour se défendre, les Mystrium ont développé une méthode de défense très spécifique : le snapping (en français, cela se traduit par « happement »). Cette technique consiste à croiser leurs mandibules afin de créer une tension, puis à les relâcher brutalement pour happer (≃ claquer) l’adversaire à très grande vitesse. Les fourmis sont alors propulsées à quelques centimètres de distance. En cas de stress, les Mystrium ont également tendance à rester parfaitement immobiles.
Ce sont des fourmis au comportement semi-nomade : elles peuvent facilement déménager si les conditions ne leur conviennent plus.

Chez les Amblyoponinae, les imagos n’ont souvent pas une morphologie adaptée pour consommer leurs proies. Les larves sont mobiles et se nourrissent seules. Les ouvrières adultes perforent ensuite la cuticule des larves vivantes pour en aspirer l’hémolymphe (le « sang » des insectes). Ce comportement ne tue pas les larves ; c’est un type de cannibalisme non destructif. L’acte est souvent discret et méthodique : les ouvrières utilisent leurs mandibules pour mordre une zone précise, puis aspirent le liquide. La zone mordue guérit souvent ensuite, ce qui permet des prélèvements répétés sur la même larve. Au cours de plusieurs interviews de chercheurs comme Brian Lee Fisher, ce comportement caractéristique, dont est tiré le nom vernaculaire du genre, est souvent décrit comme une information « acquise » pour l’ensemble des espèces de Mystrium.

Chez Mystrium oberthueri, les gynes ailées ont disparu et ont été remplacées par de petites gynes ergatoïdes. Elles ont des ovaires et une spermathèque fonctionnels, mais ne peuvent pas chasser ni fonder seules une colonie. Seules quelques reines ergatoïdes sont accouplées dans chaque colonie (environ 5 %) ; les ergatogyes vierges se comportent comme des ouvrières à l’intérieur du nid et s’occupent notamment du couvain, là où les véritables ouvrières assurent surtout le fourragement et la garde du nid.

Alimentation : Les Mystrium sont spécialisées dans la chasse de mille-pattes, notamment de Chilopodes.

Essaimage : Il n’y a pas de vols nuptiaux chez cette espèce. Les gynes ergatoïdes appellent un mâle étranger (female calling syndrome) avec lequel elles se reproduisent. Elles retournent ensuite dans leur nid.

Fondation : Dépendante ; la multiplication des colonies se fait par bouturage, c’est-à-dire qu’une colonie se fragmente. Les colonies comportent ainsi toujours à la fois des ergatogynes et des ouvrières, et il n’y a donc pas de stade de fondation à proprement parler.

Gynie : L’espèce est polygyne ; quelques ergatogynes sont susceptibles d’être fécondées et de participer à la reproduction dans chaque colonie.

4) RÉPARTITION :

L’espèce ne s’observe que sur l’île de Madagascar. On l’observe dans les forêts tropicales de l’île, c’est à dire à l’Est et au Nord du pays malgache. Contrairement à d’autres Mystrium malgaches des mêmes biotopes, Mystrium oberthueri n’est pas signalée aux Comores. 

5) ÉLEVAGE :

Température de maintien : Difficile à généraliser à cause du manque de données, l’espèce a été maintenue avec succès entre 23 °C et 27 °C. Ces températures semblent pertinentes car elles correspondent à la température moyenne de 27 °C de l’Est tropical de Madagascar en saison humide (et chaude).

Hygrométrie : Difficile à généraliser à cause du manque de données, l’espèce a été maintenue avec succès à une très haute hygrométrie dans l’air (80 % et plus), soit une pulvérisation quotidienne.

Installation : Une colonie a été maintenue en terrarium humide. On peut supposer que les colonies puissent s’adapter à des nids en béton cellulaire ou à des set-up en boîte de pétri, à la manière de Mystrium camillae, plus souvent observée en élevage.

Foreuse ? : Non, Mystrium oberthueri n’est pas foreuse.

Diapause : A Madagascar, la saison sèche (et froide) a lieu de juillet à septembre. Cependant, dans l’Est de l’île, la variation de température est assez faible, avec une température minimale aux alentours de 18 °C et une température moyenne en journée à 23 °C. On peut donc supposer que les Mystrium oberthueri ne rentrent pas en diapause, mais qu’une baisse de température et d’hygrométrie serait souhaitable durant cette période.

Alimentation en élevage : On nourrira les Mystrium oberthueri avec divers types de larves de ténébrions (vers de farine, vers morio…), des forficules sauvages, des asticots ou encore des myriapodes (lithobies et petits iules). Inutile de donner des liquides sucrés, elles ne s’y intéressent pas. Une colonie n’acceptait ni les blattes, ni les grillons.

Reproduction en captivité : Cette espèce s’accouplant au sol, il pourrait s’agir d’une excellente candidate à la reproduction en captivité, bien que plusieurs colonies seraient indispensables pour cela. Une fois que les colonies auront atteint une démographie élevée, il sera probablement possible de simplement les fractionner en isolant plusieurs boutures comportant à la fois des ouvrières, des ergatogynes non fécondées et du couvain. Lorsque des ergatogynes se mettront en posture d’appel phéromonal, des mâles en provenance d’autres colonies pourront être introduits dans l’installation, en veillant si possible à marquer les reines nouvellement fécondées.

Difficulté d’élevage : L’espèce étant extrêmement rare en élevage, il n’est pas pertinent de la classer sur une échelle de difficulté de maintien. Elle n’a en effet été maintenue que quelques fois en laboratoire, et une seule par un particulier. 
Cependant, cette espèce serait plutôt difficile à garder sur le long terme en raison de son système de reproduction complexe et de l’espérance de vie courte de ses reines, qui rend obligatoire l’élevage de plusieurs colonies afin de pouvoir les maintenir plus de 2 ou 3 ans. Une interrogation réside également dans la présence obligatoire ou non des larves dans la colonie ; en effet, nous ne savons pas si ces fourmis peuvent s’alimenter correctement et durablement en absence de larves.

Sources et Crédits :

Publications myrmécologiques :

 

Sites Internet :

  • Antcat.org
  • Antwiki.org
  • Antmaps.org
  • Antweb.org
  • Inaturalist.org
  • https://en.wikipedia.org/wiki/Madagascar_lowland_forests
  • https://fr.allmetsat.com/climat/madagascar.php?code=67025
  • Wiktionnaire (https://en.wiktionary.org/wiki/Wiktionary:Main_Page)
 
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