Fiche d'élevage : Pachycondyla crassinoda

(⚠️Problèmes majeurs ⚠️)

Le nom Pachycondyla crassinoda regroupe actuellement plusieurs populations de fourmis présentant une grande hétérogénéité, tant au niveau de leur morphologie (dimensions variables) que de leur comportement. Cette variabilité intraspécifique rend difficile l’interprétation précise des données. Il n’est pas exclu que les informations dans cette fiche correspondent en réalité à plusieurs espèces distinctes encore non différenciées. Par conséquent, la fiabilité et la portée de certaines informations contenues dans cette fiche pourraient être affectées.

1) CLASSIFICATION ET SIGNIFICATION :

Famille : Formicidae
Sous famille : Ponerinae
Tribu : Ponerini
Genre : Pachycondyla
Espèce : Pachycondyla crassinoda

Taxonomiste et année de description : Décrite par Pierre-André Latreille en 1802 à Cayenne (Guyane française).
Synonymes  : Le taxon Ponera pilosa est considéré comme synonyme de Pachycondyla crassinoda.

Étymologie genre : Du grec ancien παχύς (pakhús), « épais », et κόνδυλος (kóndulos), « noeud », soit « noeud épais », probablement en référence au pétiole très large.
Étymologie espèce : Du latin crassus, « gras, épais », et nōdus, « noeud », soit « noeud épais », là encore en référence au pétiole très large.

2) MORPHOLOGIE ET IDENTIFICATION :

Nous prendrons ici les dimensions de la population la plus fréquente en élevage : la population littorale de Guyane française. Entre crochets, l’amplitude maximale recensée en incluant des populations/individus atypiques et/ou moins courant en élevage.

TAILLE OUVRIÈRES : 16 à 19 mm [15 à 27 mm]
TAILLE GYNE : 17 à 21 mm [18 à 27 mm]
TAILLE MÂLE : 15 mm

Morphisme : L’espèce est monomorphe ; il n’y a qu’une seule sous-caste ouvrière. Au sein d’une même colonie, les variations de taille entre ouvrières sont souvent faibles.

Identification : Pachycondyla crassinoda est difficilement confondue avec d’autres espèces décrites : en effet, elle peut être directement reconnue à la présence de deux griffes à l’extrémité de son gastre (pygidium), près de son aiguillon. Pour plus de détails sur l’identification de l’espèce, voir Marcineiro & Lattke, 2024.
Les yeux moins aguerris pourront également confondre l’espèce avec les Neoponera commutata, qui sont facilement reconnaissables à leur silhouette plus svelte que celle des Pachycondyla, leurs grands yeux et leur tégument uniformément noir brillant (contrairement à P. crassinoda qui est plutôt mate).

Description et particularités physiques : Pachycondyla crassinoda est une Ponerinae de couleur noire mate, généralement de grande taille. Il semblerait que la taille des individus soit très variable en fonction de la provenance des populations. Ainsi, les plus petites P. crassinoda sont décrites comme similaires à des ouvrières de P. striata, tandis que les plus grandes auraient une taille comparable à celle de petites Dinoponera. De manière globale, il s’agit cependant de la plus grande représentante de son genre.
Cette espèce est recouverte d’une pilosité fine de couleur jaunâtre. Sa cuticule est très épaisse, ses antennes sont longues et larges. Elle possède un pétiole imposant, neuf dents au niveau des mandibules, et deux crochets caractéristiques à l’extrémité du gastre (pygidium). Les jeunes ouvrières présentent des mandibules de couleur rouge-orangées, qui s’obscurcissent avec le temps jusqu’à devenir noires comme le reste du corps.
Les gynes et les ouvrières sont très similaires, mais peuvent être classiquemnet distinguées par leur mesosoma : la gyne possède un mesosoma de la même largeur que son gastre et de petites cicatrices alaires, tandis que le mesosoma des ouvrières est plus resserré. 
A noter que l’existence de reines ergatoïdes est mentionnée chez cette espèce par Marcineiro & Lattke, 2024, sans plus de précision.

Comparaison de plusieurs Pachycondyla sp. par Baptiste Ben, tous droit réservés.

3) BIOLOGIE :

Description du biotope : Pachycondyla crassinoda est une Ponerinae de basse altitude, typique des grands espaces naturels néotropicaux. Elle est surtout commune dans le sous-bois des forêts humides primaires et secondaires du bassin Amazonien et de l’Atlantique. Elle fourrage uniquement au sol et dans la litière. On l’observe occasionnellement en savane comme dans le Cerrado et en forêt sèche comme dans le Caatinga. Cette espèce a une prédominance pour les milieux sauvages, elle ne s’observe pas dans les milieux anthropisés.
Le sol des forêts qu’elle occupe est principalement composé de latérite, riche en fer et en aluminium, avec une texture dominée par l’argile fortement lessivée, recouverte d’une fine couche d’humus. 

Nidification : Pachycondyla crassinoda niche dans le sol, dans le bois mort, sous des troncs d’arbres/racines en décomposition et parfois sous les pierres. Les entrées sont très larges, les grandes colonies creusent des galeries de surface près de ces dernières. 

Démographie :
Les nids sauvages ne comportent généralement que quelques dizaines d’ouvrières. En élevage, la plus grande colonie recensée (Faouët, Bretagne, 2017-2021, population littorale de Guyane française) comptait environ 200 ouvrières.

Particularités comportementales : Pachycondyla crassinoda est une espèce active aussi bien la nuit que le jour. C’est une espèce strictement terricole, qui ne grimpe ni sur les arbres ni sur les plantes. Elle recherche sa nourriture principalement sur le sol de la forêt, en fouillant fréquemment sous les feuilles mortes, parfois en pratiquant le tandem-running. Les ouvrières n’hésitent pas à piquer ou à mordre pour défendre le nid, mais la chasse s’effectue souvent sans user de l’aiguillon.

Pachycondyla crassinoda peut fréquemment pondre des oeufs trophiques difformes destinés à la conservation de nourriture. Les ouvrières sont capables de pondre ces oeufs trophiques, mais peuvent également produire des oeufs de mâles par parthénogenèse arrhénotoque. Les oeufs fécondés sont souvent conservés en “paquets” et entreposé au sol. Ils sont longs et de forme cylindrique ; quand ils arrivent à maturité, ils prennent une teinte orangée. Les larves peuvent bouger et se nourrir seules. 
En cas de stress, certains individus, dont la gyne, auront tendance à devenir immobiles, à s’aplatir puis à replier leur antennes. Lorsqu’elles ont mangé, les Pachycondyla crassinoda ont tendance à prendre une physogastrie rouge caractéristique.

Les nymphes de cette espèce sont parasitées par la guêpe Kapala cuprea.

Comportement de stress, One Ants

Alimentation : Pachycondyla crassinoda chasse les arthropodes dans la litière, elle est très opportuniste et s’attaque majoritairement à des proies vivantes et plus petites qu’elle. Elle n’utilise pas systématiquement son aiguillon pour chasser. Elle peut également s’intéresser très occasionnellement à des charognes ou des matières sucrées comme des fruits. Des débris végétaux sont également ramenés au nid.

Essaimage : Les essaimages ont lieu à des périodes bien différentes en fonction des pays où elles sont observées. Les gynes ailées ont été collectées en février et mars (Suriname & Guyane), en mai (Equateur), en juin et juillet (Vénézuela et Pérou), en octobre (Venezuela) et décembre (Colombie).
Selon des observateurs sur place, il serait possible de trouver des gynes en fondation tout au long de l’année ; elles sont alors en train de chasser durant leur fondation afin de nourrir le couvain de leur première génération d’ouvrières. Pour préserver la population, nous vous conseillons de ne pas les ramasser, et de préférer récolter des gynes fraichement fécondées. Pour la Guyane française, les essaimages ont surtout lieu durant la petite saison des pluies.
Les mécanismes d’essaimage ne sont pas connus : les gynes sont produites en grand nombre chez cette espèce, tandis que les modalités exactes de la production des mâles et l’accouplement ne sont pas décrits.

Gynie : Inconnue, plusieurs femelles désailées sont régulièrement retrouvées dans les nids mais il est difficile de savoir combien d’entre elles sont fécondées. L’espèce est connue pour faire des pléometroses.

Fondation : Semi-claustrale ; les reines chassent des insectes régulièrement afin de nourrir leur couvain, avant l’arrivée des premières ouvrières. 

Cycle de développement : Indéterminé et probablement variable selon la provenance. 

4) RÉPARTITION :

L’espèce est néotropicale. Elle est largement représentée dans le bassin Amazonien, dans les forêts Atlantique, dans la Cordillère des Andes. Elle est aussi recensée dans des régions plus sèches comme le Cerrado et le Caatinga (Est Brésilien). Son aire de répartition s’étend du Darién (Sud du Panama), jusqu’au Sud du Brésil, où elle se fait plus rare (voire incertaine : Rio Grande Do Sul, Sao Paulo).

5) ÉLEVAGE :

Température de maintien :
24 à 29 °C dans l’aire de chasse, 22 à 26 °C dans le nid. Faire un point chaud et un point froid est fortement conseillé.
La préférence thermique varie particulièrement en fonction de la zone de récolte. 

Hygrométrie : Hygrométrie graduelle avec une zone très humide et une zone sèche. Pachycondyla crassinoda apprécie un sol sec, c’est la condition nécessaire à son bon développement. Une trop forte hygrométrie au sol engendre des malformations lors de la nymphose, tandis qu’un air sec fera sécher les larves et inhibera la ponte. Cette Ponerinae est reconnue pour être très complexe dans la gestion de l’hygrométrie. Pour cette raison, un gradient hygrométrique est absolument nécessaire.

Installation : Les fourmis du genre Pachycondyla sont connues pour être opportunistes, très fouisseuses et sensibles au stress. L’espèce a besoin de substrat pour s’épanouir et tisser ses cocons, c’est pourquoi un terrarium semble être la meilleure option pour les maintenir sur le long terme.

Pour le set up de fondation, on choisira une boîte large et spacieuse, où la ou les gynes pourront creuser et chasser. Afin de maintenir l’équilibre biologique du terrarium, il est conseillé d’ajouter une diversité de détritivores abondante, telle que des collemboles, des iules, des cloportes, etc. Nous déconseillons les Trichorhina, car ils semblent être une source de stress et abîmeront occasionnellement les cocons.

Beaucoup d’éleveurs choisissent d’élever leur Pachycondyla crassinoda dans un nid en plâtre résiné, mais le terrarium semble être une meilleure option d’après les résultats d’élevage. P.crassinoda forme des salles très spacieuses, c’est pourquoi un substrat stable, aéré et compact (mélange d’humus, d’argile et de feuilles mortes) avec un drainage seront recommandés pour éviter les effondrements.
Pour garder une bonne visibilité dans le terrarium, plusieurs méthodes ont été mise au point :
– La première consiste à creuser un puit en surface du substrat et d’y ajouter un vitre (avec un cache) par-dessus ou un demi pot en terre cuite.
– La seconde consiste à relier un nid au terrarium ou à l’ADC. Le plus souvent, ce nid ne sera que partiellement occupé, le reste de la colonie choisira de s’établir sous terre.

Foreuse ? : Non, l’espèce ne creuse pas les matières minérales. Elle est cependant très fouisseuse.

Diapause : La plupart des éleveurs ne changent pas leurs conditions de maintient au cours de l’année. D’autres suivent le cycle de saisons sèches et humides et s’appuient sur la sensibilité de l’espèce aux variations hygrométriques pour le justifier. Par le passé, de rares cas de mise au froid sur des colonies de la Cordillère des Andes sont recensées en élevage.
Il est difficile de juger l’utilité de ces pratiques, nous vous conseillons d’adapter vos paramètres aux provenances des colonies et de travailler de manière empirique.

Fondation : Semi-claustrale ; il sera nécessaire de nourrir les reines durant toute la fondation.
Elle se déroulera dans un petit terrarium, où l’on proposera de multiples cachettes (nid, liège, pierre, feuilles mortes…).
Les gynes sont très sensibles et ne fourrageront jamais à la lumière du jour. Les couvercles clipsables seront à proscrire afin d’éviter les vibrations. Il est conseillé de poser son set-up de fondation sur une plaque de mousse ou de polystyrène. La fondation est particulièrement longue (souvent plus de 3 mois), il n’est pas rare que des princesses fassent partie de la première génération d’ouvrières.

Alimentation en élevage : Cette espèce demandera une grande quantité d’insectes vivants ou très fraîchement tués. Il faudra veiller à varier les proies en les adaptant à la taille de la colonie. Elle devra être nourrie plusieurs fois par semaine avec des protéines, voire tous les jours pour les colonies bien installées. Des viandes crues, du rosé de souris et liquides sucrés seront également appréciés occasionnellement.
En cas de sur-alimentation, cette fourmi très territoriale aura tendance à chasser plus que de raison, sans que les insectes chassés ne soient consommés ensuite, créant alors beaucoup de pollution biologique.

Cohabitation : L’espèce n’est pas adaptée aux cohabitations, car elle est trop territoriale et excave de manière trop importante le substrat. Quelques essais d’installation multi-espèces pourraient être envisagés, avec de très petites fourmis comme les Strumigenys ou certaines Gnamptogenys, ou bien avec de petites espèces strictement arboricoles comme des Pseudomyrmex ou des Crematogaster. Ces potentielles cohabitation ne semblent cependant pas présenter un intérêt majeur en élevage.

Reproduction : Le mode de reproduction de Pachycondyla crassinoda ne semble pas précisément documenté. Cependant, comme la grande majorité des autres Ponerinae, il est probable que sa stratégie de reproduction soit le female calling, ce qui permettrait l’accouplement au sol. Les gynes volent très mal, ce qui rend cette possibilité d’autant plus plausible. Les trois plus vieilles colonies documentées en élevage se sont éteintes entre leur quatrième et leur cinquième année, et produisaient un grand nombre de gynes.
La production de mâles n’aura presque jamais lieu en présence d’une reine fécondée ; afin d’y remédier, il vous est possible d’isoler un générateur de mâles qui sera constitué d’un simple groupe d’ouvrières. Cependant, de tels groupes d’ouvrières, ou des colonies ne comportant que des gynes non fécondées, ont parfois pondu en élevage des oeufs ne donnant finalement rien, et les modalités exactes permettant aux générateurs de mâles d’être fonctionnels restent donc à expérimenter.

Difficulté d’élevage : Très difficile. L’espèce se montre extrêmement punitive en fondation, elle est sensible aux variations hygrométriques et aux stress divers. Une mauvaise gestion de l’hygrométrie peut tuer tout le couvain en quelques heures. Beaucoup d’éleveurs perdent des générations de cocons à cause de ce paramètre. C’est l’une des Ponerinae avec le plus faible taux de réussite à la fondation en partant de la gyne seule.
Pachycondyla crassinoda est une espèce faisant beaucoup de déchets à cause de son régime alimentaire, il faudra les retirer quotidiennement pour éviter les moisissures. L’espèce ne grimpe pas aux surfaces lisses, le risque d’évasion est donc faible mais la piqûre est très douloureuse, toxique (donc dangereuse) et persistante (DL50 = 2.8 mg/kg).

Sources et Crédits :

Publications myrmécologiques :

Sites Internet :

  • Antcat.org
  • Antwiki.org
  • Antmaps.org
  • Antweb.org
  • Inaturalist.org
  • Wiktionnaire
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