Fiche d'élevage : Pheidole pallidula

Reynard Muldrake
Photographie couverture de la page Europe, recadrée pour une meilleure intégration.

1) CLASSIFICATION ET SIGNIFICATION :

Famille : Formicidae
Sous-famille : Myrmicinae
Tribu : Attini
Genre : Pheidole 
Espèce : Pheidole pallidula

Taxonomiste et année de description : Nylander, 1849 (sous le nom de Myrmica pallidula).
Noms vernaculaires : Big-headed ant (anglais), traduisible par « fourmi à grosse tête ».
Synonymes et anciens noms utilisés : Myrmica pallidula Fabricius, 1793 ; Myrmica pallidula Nylander, 1849 ; Oecophthora subdentata Mayr, 1853 ; Pheidole pallidula var. obscura Santschi, 1936 ; Pheidole subdentata (Mayr, 1853) Mayr, 1853 ; Xenoaphaenogaster inquilina Baroni Urbani, 1964.

Étymologie genre : Du grec pheidolos (φειδωλος), « économe », mais aussi du latin parcus et avarus : « frugal » et « avare » (Dalla Torre, K. W. (1894)).
Étymologie espèce : Probablement issue du latin pallidus, « pâle », « blême ».

2) MORPHOLOGIE ET IDENTIFICATION :

TAILLE MINOR : 2 à 3 mm
TAILLE MAJOR : 3 à 4 mm
TAILLE GYNE : 8 mm
TAILLE MÂLE : 4 à 5 mm

Morphisme : Cette espèce est polymorphe, avec des individus appelés “majors” bien plus imposants que les plus petits individus appelés “minors”. Pheidole pallidula est d’ailleurs la seule espèce française avec Colobopsis truncata présentant un polymorphisme non-continu. Il n’y a ainsi pas d’intermédiaire de taille entre les minors et les majors.
Les majors sont divisés en deux sous-castes : certains d’entre eux (environ 68 %) participent à la défense de la colonie ; les autres possèdent un abdomen distendu et ne sortent que rarement du nid. Ces derniers stockent des réserves de lipides, qui peuvent être redistribués à la colonie durant l’hiver ou servir à alimenter massivement le couvain (Lachaud, J. P. et al. (1992)). Ces majors servant de réserves restent inactifs et ne participent pas aux tâches de la colonie (Sempo, G., & Detrain, C. (2010).

Identification : Le sujet est actuellement débattu, les populations méditerranéennes de Pheidole pallidula ont récemment été divisées en quatre espèces, dont trois recensées en Grèce, et de nombreuses sous-espèces de Pheidole pallidula sont actuellement décrites.

Description et particularités physiques : Les minors de cette petite espèce se reconnaissent par un très petit corps frêle orangé, un double pétiole et de longues antennes surmontées d’une massue de trois articles ; mais, sur le terrain, le plus simple élément d’identification reste la présence de majors dans les colonies. La tête imposante de ceux-ci est immédiatement reconnaissable. Il n’existe pas d’espèce présentant des majors physiquement semblables dans la myrmécofaune de France métropolitaine.

3) BIOLOGIE :

Description du biotope : L’espèce est très ubiquiste et peut s’établir dans n’importe quel biotope, pourvu qu’il soit assez exposé au soleil afin qu’elle puisse y trouver la chaleur nécessaire à son développement. Il n’est pas rare de la retrouver dans les milieux urbains, où elle s’invite régulièrement dans les maisons. Elle est également commune en garrigue ou en forêt.

Nidification : Les nids sont généralement terricoles ; leur architecture ne présente pas de caractéristique notable. L’on peut retrouver Pheidole pallidula dans la terre, le sable, sous les pierres, dans les maisons ou dans le bois morts. Les colonies peuvent être polydomes (Detrain, C., Deneubourg, J. L., Goss, S., & Quinet, Y. (1991)). Les individus minors marquent les entrées de nids à l’aide des glandes métapleurales situées sur leurs pattes (Cammaerts, M. C., & Cammaerts, R. (1998)).

Démographie : Dans la nature, les nids atteignent au moins 5 000 ouvrières (Beckers, R. et al. (1989)). Certaines colonies semblent cependant beaucoup plus populeuses, et atteignent au moins plusieurs dizaines de milliers d’ouvrières (notamment en captivité).

Particularités comportementales : Pheidole pallidula fait souvent preuve d’une grande agressivité, et est dominante là où elle est présente. Des recrutements très rapides et efficaces lui permettent de monopoliser les ressources alimentaires de son biotope. Ces recrutements ne sont permis que par les minors, qui sont les seules à posséder des phéromones de pistes dans leur glande à venin (Detrain C. et al. (1988)). La croissance de la colonie est très rapide.

Alimentation : En nature, Pheidole pallidula rapporte au nid des insectes et des plantes. D’autres espèces de fourmis constituent la majeur partie des ressources animales, tandis que des graines représentent la moitié des restes végétaux ramenés. Les graines de Centaurea semblent particulièrement attractives (Retana, J., Cerdá, X., & Espadaler, X. (1992)).

Essaimage : Les essaimages, qui se déroulent de façon classique avec l’envol d’un grand nombre de princesses et de mâles, ont lieu de juin jusqu’à début août. Ils ont généralement lieu en soirée et sont souvent massifs. Il n’est pas rare qu’ils s’étalent sur plusieurs soirs d’affilée si les conditions météorologiques s’y prêtent. Chaque gyne ne s’accouple qu’avec un seul mâle, issu d’une colonie différente (Fournier, D., Aron, S., & Milinkovitch, M. C. (2002).

Gynie : La gynie de cette espèce fait débat, et semble variable en fonction des populations. Dans la nature, certaines populations comportent des colonies aussi bien monogynes que polygynes (une étude portant sur des fourmis du Tarn-et-Garonne à ainsi révélé que 2 à 4 gynes sont présentes dans 38 % des nids prospectés). Les reines présentes dans les colonies polygynes ne sont pas apparentées, et produisent presque exclusivement des sexuées femelles, tandis que les colonies monogynes produisent majoritairement des sexués mâles. Les colonies conservent un flux génétique constant, ce qui indique que des accouplements de sexués ont lieu entre les deux forme sociales. Par ailleurs, les résultats semblent montrer que certaines fondations naissent par bouturage à partir d’une colonie mère (Fournier, D., Aron, S., & Milinkovitch, M. C. (2002), Fournier, D., Keller, L., Passera, L., & Aron, S. (2003)). Ces résultats semblent pencher en faveur d’une polygynie secondaire chez Pheidole pallidula dans certaines populations : des gynes fraîchement fécondées seraient acceptées au sein d’une colonie populeuse non apparentée. A noter que d’autres populations de cette espèce semblent être strictement monogynes et produisent à la fois des sexués mâles et femelles (Passera, L. (1980)).

Fondation : Indépendante et claustrale ; après l’essaimage, les reines s’aménagent une loge dans la terre et ne se nourrissent plus jusqu’à l’émergence des premières ouvrières.

Cycle de développement : Pheidole pallidula passe l’hiver sans couvain, et la ponte ne reprend qu’au printemps. Une diapause est nécessaire pour la production de princesses et mâles ; les œufs de sexués ne sont pondus que pendant une durée de deux semaines lorsque la température remonte (Passera, L. (1980)). Ce type de développement pencherait en faveur d’une hétérodynamie. L’espèce a cependant été considérée comme homodynamique, puisqu’étant capable de se développer toute l’année en élevage lorsque la température le permet, et ne montre pas de signe de pré-diapause autre que la mort du couvain lorsque la température est trop basse pour permettre son développement (Kipyatkov, V. E. (1993)), mais cela ne prend pas en compte la production de sexués, qui ne pourrait pas être régulée sans pause hivernale.

4) RÉPARTITION :

Pheidole pallidula est localisée au pourtour méditerranéen. En France, on ne la trouve que dans le tiers sud du pays, y compris en Corse. L’espèce est classée comme invasive en Allemagne, au Danemark, en Norvège, au Pays bas, à Madère et aux Canaries, bien que son impacte sur la biodiversité locale soit modéré par rapport à d’autres espèces plus invasives.

5) ÉLEVAGE :

Température de maintien : 22 °C à 28°C ; les températures élevées accélèrent le développement du couvain.

Hygrométrie : Entre 20 et 80 % de la surface du nid doit être humidifiée, ces fourmis n’étant pas regardantes sur ce paramètre.

Installation : Pheidole pallidula se contente de tout type de nid. il faudra cependant veiller à utiliser des matières qui ne laissent aucune faille ; les nids en plexiglass ou en pierre reconstituée semblent convenir au mieux.

Toftof

Foreuse ? : Oui. Elles tenteront de creuser tout ce qui peut l’être, c’est pourquoi le nid se doit d’être blindé.

Diapause : Vis à vis des indices suggérant une hétérodynamie (production de sexués après la diapause, présence de majors « repletes » servant à stocker des réserves de lipides), il serait judicieux d’effectuer une hivernation au même titre que toutes les autres espèces de France métropolitaine. Nous vous conseillons donc une diapause aux alentours de 8 °C pendant une période de 3 à 4 mois, en particulier si votre gyne vient de France.

De nombreux éleveurs n’effectuent pas de diapause pour leurs colonies de Pheidole pallidula, et elles continuent à se développer durant ce temps sans conséquence négative observable à moyen terme (un cas unique parmi la myrmécofaune de France métropolitaine, qui a parfois valu à cette espèce d’être considérée comme homodynamique). Cependant, l’impact sur le long terme n’en est pas connu, et il semblerait par ailleurs que ces colonies atteignent des démographies anormalement élevées tout en ne produisant pas ou peu de sexués.

Fondation : Indépendante et claustrale ; les gynes n’ont pas besoin d’être nourries avant l’arrivée des premières ouvrières. Celle-ci aura lieu rapidement, puisque le développement ne prend qu’un peu moins d’un mois et demi de la ponte à l’ouvrière adulte, à température ambiante.

Myrmant

Alimentation en élevage : En élevage, elles sont très opportunistes et se contentent de tout. Comme la plupart des fourmis, elles seront principalement nourries de substances sucrées (pseudo-miellats, beetle jelly, fruits…) et d’insectes. Il est cependant conseillé de ne leur distribuer les liquides sucrés qu’imbibés dans du coton afin d’éviter les noyades, qui arrivent facilement chez une petite espèce comme celle-ci.

Karasu (Discord Antariums) : Creative Commons zero (CC0)

Reproduction : Espèce ne se reproduisant pas en captivité à l’heure actuelle.

Difficulté d’élevage : Difficile. La vraie difficulté porte sur la gestion des colonies sur le long terme : en effet, celles-ci deviennent très populeuses et demandeuses en insectes, et tentent de s’évader par tous les moyens (leur petite taille leur permet d’ailleurs souvent de le faire), c’est pourquoi il peut devenir rapidement assez compliqué de les contenir. Ces paramètres devraient être mûrement considérés avant l’acquisition de cette espèce. L’huile de paraffine ne fonctionnant pas bien avec Pheidole pallidula, d’autres anti-évasion devront être utilisés en complément d’une aire de chasse fermée.

Sources et Crédits :

Publications myrmécologiques : 

Sites Internet :

  • Antcat.org
  • Antwiki.org
  • Antmaps.org
  • Antweb.org
  • AntArea.fr
  • Inaturalist.org

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