Fiche d'élevage : Pogonomyrmex barbatus

⚠️ (Dangereuse) ⚠️
Les Pogonomyrmex font partie des rares genres ayant causé la mort chez l’humain. Leur piqûre présente de sérieux risques allergiques en plus d’être très douloureuse. Nous déconseillons évidemment vivement cette espèce aux personnes à risques, aux enfants, mais également à tout éleveur. P. barbatus forme en plus de très grandes colonies, ce qui augmente drastiquement les risques. Pour faire une comparaison avec une espèce à la démographie similaire, très rares sont les éleveurs de colonies matures de Messor barbarus n’ayant jamais rencontré d’évasion. Ici, une simple ouvrière pourrait bien vous être fatale, et ce, même si ce n’est pas vous, ce pourrait être un membre de votre famille, un ami ou un de vos animaux de compagnie.
1) CLASSIFICATION ET SIGNIFICATION :
Famille : Formicidae
Sous-famille : Myrmicinae
Tribu : Pogonomyrmecini
Genre : Pogonomyrmex
Espèce : Pogonomyrmex barbatus
Taxonomiste et année de description : Décrite par Frederick Smith en 1858, sous le nom de Myrmica barbata.
Noms vernaculaires : Elle est surnommée “fourmi rouge moissonneuse” ou en anglais “red harvester ant”.
Synonymes et anciens noms utilisés : Ce taxon compte parmi ses synonymes Myrmica molefasciens et Pogonomyrmex barbatus nigrescens. Aucun n’est encore actuellement utilisé.
Étymologie genre : “Pogono” du grec ancien “Pṓgōn” signifiant “barbe”. “Myrmex” du grec ancien signifiant “fourmi”.
Étymologie espèce : Du latin barbatus, « barbu », en référence au psammophore très développé.
2) MORPHOLOGIE ET IDENTIFICATION :
TAILLE OUVRIÈRES : 7 à 9,5 mm

TAILLE GYNE : 12 mm

TAILLE MÂLE : 6 à 7 mm

Morphisme : Cette espèce est monomorphe, la taille des ouvrières n’étant que faiblement variable au sein d’une même colonie.
Identification : Pogonomyrmex barbatus est généralement assez facilement reconnaissable au sein du genre en Amérique du Nord, en raison de sa couleur et de sa grande taille. Dans de rares cas, cependant, la distinction avec Pogonomyrmex rugosus peut s’avérer délicate si elle repose uniquement sur la couleur. On peut néanmoins les différencier grâce aux rainures présentes sur la tête, plus grossières chez P. rugosus. Nous vous conseillons d’utiliser la clé de Taber (1998), disponible gratuitement sur Antwiki.
Il existe également des cas complexes d’hybridation entre P. barbatus et P. rugosus, dans lesquels les gynes et les mâles appartiennent chacun à une lignée pure et sont donc distincts, tandis que les ouvrières, issues de ces croisements, présentent des caractéristiques intermédiaires, les rendant difficilement identifiables. Les ouvrières de première génération de P. barbatus, plus petites, peuvent parfois être confondues avec celles de P. desertorum. Elles s’en distinguent toutefois par des rainures céphaliques plus fines chez P. desertorum et par la texture des coins postéro-latéraux de la tête, qui sont lisses chez P. desertorum, alors qu’ils sont rugueux chez P. barbatus.
Description et particularités physiques : Pogonomyrmex barbatus est une fourmi rouge vif ou rouge cuivré de taille moyenne. Elle possède de grandes mandibules lui permettant de concasser les graines qu’elle consomme ainsi qu’un aiguillon fonctionnel. L’espèce ne possède pas de major, bien que toutes les ouvrières soient très robustes. Le psammophore est très développé, et constitue une “barbe” sous la tête.
3) BIOLOGIE :
Description du biotope : Pogonomyrmex barbatus se retrouve dans des habitats assez variés allant des déserts et des prairies aux forêts de pins, en passant par les forêts de chênes et les milieux plus anthropisés. Cette espèce peut également se retrouver en altitude notamment dans des prairies à plus de 2400 m.

Nidification : Les nids sont terricoles. La zone entourant les entrées de nid est généralement défrichée, les rendant assez visibles. Il arrive également que certaines colonies fassent des petits tas de cailloux aux entrées. La structure des nids est composée d’une seule galerie principale complètement verticale amenant à plusieurs grandes salles horizontales dispersées sur la hauteur. Dans les salles les plus proches de la surface se retrouve une partie du couvain et un bon nombre d’ouvrières les salles intermédiaires juste en dessous sont utilisées comme salle de stockage pour les graines. On peut supposer grâce à l’espèce voisine P. rugosus, que la reine et le reste du couvain sont sûrement dans les salles les plus profondes du nid.

Démographie : Les colonies peuvent dépasser 12 000 ouvrières.
Particularités comportementales : Cette espèce fourrage au sol et dans la végétation basse, et des colonnes de fourragement relient le nid aux sources de nourriture abondantes. Diurnes, les ouvrières sortent surtout en fin d’après-midi et, dans une moindre mesure, tôt le matin. En été, en pleine journée, le fourragement cesse totalement lorsque les températures au sol dépassent 55 °C ; cependant, la moindre ombre sur le nid est suffisante pour que l’activité reprenne.
Cette espèce n’hésite pas à se servir de son aiguillon afin de se défendre, et sa piqûre est aussi douloureuse (classée à 3 sur 4 sur l’échelle de Schmidt) qu’allergène et donc potentiellement dangereuse. De fait, elle produit un des venins d’insectes les plus toxique pour les mammifères, et des réactions allergiques à des piqûres de Pogonomyrmex ont ainsi déjà causé la mort.
Pogonomyrmex barbatus se trouve assez souvent dans les mêmes biotopes que Novomessor cockerelli, une espèce qui est elle aussi en partie granivore. Dû à cette compétition, les Novomessor ont développé une méthode d’interférence. Tôt le matin, avant que les P. barbatus ne deviennent actives, les N. cockerelli bouchent les entrées des nids des Pogonomyrmex avec du sable. Ce comportement retarde le début des activités des P. barbatus de 1 à 3 heures. Les colonies de P. barbatus situées à proximité de celles de N. cockerelli sont plus souvent ciblées. Les P. barbatus ne compensent pas ce retard par une intensification de fourragement, ce qui réduit sa capacité globale à collecter des ressources. Ainsi, le bouchage de nid par N. cockerelli limite efficacement la capacité aux P. barbatus de se nourrir.
A noter que certaines lignées particulières pratiquent l’hybridogenèse sociale avec Pogonomyrmex rugosus. Dans ces populations, les gynes des deux espèces s’accouplent à la fois avec des mâles de la même et de l’autre espèce ; les ouvrières seront fécondées avec la semence des mâles de l’autre espèce, et seront donc toutes des hybrides, là où les nouvelles gynes seront produites à partir des accouplements conspécifiques, et resteront donc de la même espèce.
Alimentation : Cette espèce se nourrit en très grande partie de graines diverses. Le reste de son régime se compose d’autres débris végétaux et d’arthropodes.
Essaimage : En fonction des localités, les essaimages débutent quelques jours après le début de la saison pluvieuse. Les essaimages ont lieu en plein après-midi (notamment entre 15h30 et 17h). Ils s’effectuent selon le male agregation syndrome, c’est-à-dire le mode d’essaimage “classique” : des mâles forment un essaim à un point précis (qui peut rester le même d’années en années), puis y attirent par leurs phéromones les gynes et d’autres mâles avant que les accouplements n’aient lieu, en l’occurrence à même le sol.
Cette espèce est polyandre ; chaque gyne rentrant dans l’essaim se fait immédiatement recouvrir par 4 à 5 mâles en moyenne, qui attendent leur tour près de celui en train de s’accoupler ou bien tentent de détacher leurs concurrents à l’aide de leurs puissantes mandibules.
Gynie : Cette espèce est probablement monogyne.
Fondation : Indépendante et claustrale : la reine creuse une loge dans la terre et y élève sa première génération d’ouvrières en puisant dans ses réserves, sans se nourrir durant ce temps.
4) RÉPARTITION :
L’espèce est retrouvée en Amérique du Nord, dans le Sud et le Centre des États-Unis et au Mexique jusque Veracruz et Oaxaca. Elle est absente en Californie et dans la péninsule de Basse-Californie.
5) ÉLEVAGE :
Température de maintien : En journée, on préconisera des températures comprises entre 26 et 28 °C, là où l’on préfèrera la nuit une température comprise entre 22 et 24 °C. Pogonomyrmex barbatus vit dans des zones arides où la rétention thermique est faible, ce qui explique les écarts de températures journaliers importants. Cependant, compte tenu de sa large aire de répartition, veillez à adapter les températures d’élevage à la localité d’origine de votre colonie.
Hygrométrie : Entre 40 % et 60 % de la surface du nid humidifiée.
Installation : Pour la fondation, un tube sera suffisant. Ajouter du substrat est conseillé. Quand la colonie deviendra plus grande, plusieurs choix s’offrent à vous : les différents types de nid comme ceux en BC, pierre reconstituée, etc., tant qu’ils sont blindés. Les nids devront permettre de préférence un gradient en humidité et en température. À terme, il sera idéal de proposer des nids peu humides et chauds, et des nids humides et plus frais. Le terrarium peut être une option très esthétique mais qui pourra devenir extrêmement contraignante dû à la taille des colonies et à leurs tendances hostiles.
Foreuse ? : Oui, cette espèce creuse très bien et il vous faudra donc un nid blindé.
Diapause : Cette espèce nécessite une diapause généralement de minimum trois mois et demi, de fin novembre à fin mars ; elle devra être assez froide, parfois sous les 10 °C. Veillez à prendre comme référence les températures de l’origine géographique de votre gyne, l’espèce étant présente dans une grande variété de milieux sur une large répartition.
Fondation : On placera la gyne dans un tube relié à une aire de chasse contenant du substrat. À l’intérieur du tube, il est recommandé d’ajouter un peu de sable ou de terre sèche. La gyne pourra être nourrie occasionnellement avec des insectes, quelques petites graines et du liquide sucré. Cette espèce étant particulièrement sensible au stress durant la fondation, il est essentiel de la maintenir dans un environnement calme, en évitant au maximum les vibrations et les manipulations.
Alimentation en élevage : En élevage, on présentera une multitude de graines sans pesticide, ainsi que des insectes fraîchement tués accompagnés d’un peu de liquide sucré.
Difficulté d’élevage : Difficile, de part sa dangerosité et de ses grosses colonies elle est une espèce qu’il sera compliqué à maintenir sereinement sur le long terme.
Sources et Crédits :
Publications myrmécologiques :
- Anderson, K. E.; Linksvayer, T. A.; Smith, C. R. 2008. The causes and consequences of genetic caste determination in ants (Hymenoptera: Formicidae). Myrmecological News 11:119-132. https://www.antwiki.org/wiki/images/3/3e/Anderson%2C_K.E.%2C_Kinksvayer%2C_T.A._et_al._2008._The_causes_and_consequences_of_genetic_caste_determination_in_ants.pdf
- Beckers, R.; Goss, S.; Deneubourg, J.-L.; Pasteels, J. 1989. Colony Size, Communication and Ant Foraging Strategy. Psyche. 96. 10.1155/1989/94279. https://www.researchgate.net/publication/27373160_Colony_Size_Communication_and_Ant_Foraging_Strategy
- Cahan, S.; Goodman, P.; Grauer, J. 2023. Ecological and genetic distinctiveness of socially hybridogenetic lineages of Pogonomyrmex harvester ants at regional and local scales. Evolutionary Ecology. 37. 1-23. 10.1007/s10682-023-10241-9. https://www.researchgate.net/publication/370329691_Ecological_and_genetic_distinctiveness_of_socially_hybridogenetic_lineages_of_Pogonomyrmex_harvester_ants_at_regional_and_local_scales
- Castaño, G.; Vásquez-Bolaños, M. 2007. Intermorphic Queen in the Harvester Ant Pogonomyrmex barbatus (F. Smith) (Hymenoptera:Formicidae) in Tonalá, Jalisco, Mexico. Southwestern Entomologist – SOUTHWEST ENTOMOLOGIST. 32. 131-133. 10.3958/0147-1724-32.2.131. https://www.researchgate.net/publication/250304243_Intermorphic_Queen_in_the_Harvester_Ant_Pogonomyrmex_barbatus_F_Smith_HymenopteraFormicidae_in_Tonala_Jalisco_Mexico
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- Gordon, D.M. Nest-plugging: interference competition in desert ants (Novomessor cockerelli and Pogonomyrmex barbatus). Oecologia 75, 114–118 (1988)https://www.antwiki.org/wiki/images/4/4b/Gordon%2C_D.M._1988._Nest-plugging_-_interference_competition_in_desert_harvester_ants.pdf
- Gordon, D. 1992. How colony growth affects forager intrusion between neighboring harvester ant colonies. Behavioral Ecology and Sociobiology. 31. 417-427. 10.1007/BF00170609. https://www.researchgate.net/publication/226276642_How_colony_growth_affects_forager_intrusion_between_neighboring_harvester_ant_colonies
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- Whitford, W.G.; Johnson, P.; Ramirez, J. 1976. Comparative ecology of the harvester antsPogonomyrmex Barbatus (F. Smith) andPogonomyrmex Rugosus (Emery). Ins. Soc 23, 117–131. https://link.springer.com/article/10.1007/BF02223846 https://link.springer.com/article/10.1007/BF02223846
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