1) CLASSIFICATION ET SIGNIFICATION :
Famille : Formicidae
Sous-famille : Ponerinae
Tribu : Ponerini
Genre : Pseudoneoponera
Espèce : Pseudoneoponera rufipes
Taxonomiste et année de description : Jerdon, 1851 (sous le nom de Ponera rufipes).
Noms vernaculaires : Giant spider ant (anglais).
Synonymes et anciens noms utilisés : Aucun synonyme de Pseudoneoponera rufipes n’est actuellement répertorié. Cependant, la combinaison obsolète Pachycondyla rufipes, sous laquelle l’espèce était désignée entre 1995 et 2014, fut encore récemment occasionnellement employée.
Sous-espèces : Forel décrit du Sri Lanka Pseudoneoponera rufipes ceylonensis, se distinguant notamment de la sous-espèce nominale par une taille inférieure ainsi qu’un propodeum moins anguleux.
Étymologie genre : Du nom du genre Neoponera, formé du préfixe grec ancien νεος (neos), « nouveau », combiné au nom du genre Ponera, lui-même dérivé du grec ancien πονηρος (poniros), signifiant « laborieux », « misérable » ou encore « méchant », le tout précédé par ψευδης (psevdis), « faux ». Le genre fut décrit à partir d’un unique mâle par Donisthorpe, qui lui donna ce nom car lui trouvant des affinités avec ceux de Neoponera.
Étymologie espèce : Du latin rufus, « roux », et pes, « pied », soit « pattes rousses ».
2) MORPHOLOGIE ET IDENTIFICATION :
TAILLE OUVRIÈRES : 12 à 15 mm

Claviger
TAILLE GYNE : 14 à 16 mm

Claviger
TAILLE MÂLE : 10 mm

Claviger
Morphisme : Monomorphe ; la taille des ouvrières d’une même colonie reste assez constante.
Identification : P. rufipes se distingue facilement des autres espèces décrites de Pseudoneoponera par la combinaison entre face postérieure du pétiole crénelée, propodeum anguleux et grands yeux.
Description et particularités physiques : Pseudoneoponera rufipes est une Ponérine de grande taille, dont le corps noir mat est profondément sculpté et entièrement recouvert d’une pubescence roussâtre, contrastant avec des pattes d’un rouge plus ou moins sombre. Le gastre sillonné peut se distendre en de faibles physogastries rougeâtres. Sa silhouette est particulièrement trapue, et sa cuticule très épaisse. De façon normale pour une Ponérine, elle est équipée de puissantes mandibules ainsi que d’un aiguillon fonctionnel.
A l’exception d’un mesosoma classiquement plus volumineux et de trois ocelles faiblement saillants, les gynes sont très semblables aux ouvrières. Leurs ailes courtes n’atteignent pas l’extrémité du gastre.
Les mâles, robustes et uniformément noirs, sont dotés de longues antennes au scape court leur donnant un air d’ichneumon.
3) BIOLOGIE :
Description du biotope : Cette espèce est avant tout forestière, et se rencontre principalement dans les forêts primaires humides. Sa présence dans des milieux plus ouverts, comme les jeunes forêts secondaires, est plus occasionnelle.

Nidification : Pseudoneoponera rufipes conçoit des nids en pleine terre, se composant de quelques vastes salles informes.
Démographie : In natura, les colonies sont peu peuplées, et ne comportent le plus souvent que quelques dizaines d’ouvrières.
Particularités comportementales : De comportement relativement placide, les ouvrières de Pseudoneoponera rufipes fourragent en solitaire au sol et dans la litière forestière à la recherche de leurs proies. En cas de dérangement, elles sont capables d’expulser de leur gastre une mousse blanchâtre, qui n’est autre que leur venin dans lequel elles injectent de l’air, afin d’y engluer l’assaillant. Elles n’en gardent pas moins un aiguillon parfaitement fonctionnel, et capable d’infliger une piqûre douloureuse. Les ouvrières dérangées peuvent également émettre une stridulation audible pour l’oreille humaine.
Les Pseudoneoponera sont avant tout remarquables pour leurs systèmes de reproductions singuliers ; bien que celui de P. rufipes n’ait pas fait l’objet d’étude détaillée, il semblerait qu’il s’apparente à celui de la proche P. tridentata.
Dans chaque colonie de cette espèce, la plupart des femelles, gynes comme ouvrières, sont fécondées ; elles sont en perpétuelle rivalité pour le statut de pondeuse, qui n’est assuré que par une seule ou une pincée d’entre elles, parvenues à la tête de la hiérarchie linéaire qui se met en place. A la mort des pondeuses, ou lorsque leurs capacités de ponte se dégradent, une nouvelle hiérarchie s’établit ainsi très rapidement afin que de nouvelles reines ou gamergates puissent continuer à assurer le développement de la colonie.
Une théorie répandue dans la communauté myrmécophile, prenant vraisemblablement son origine dans la capacité de cette espèce à fonder de nouvelles colonies à partir de simples groupes d’ouvrières, suppose que les Pseudoneoponera rufipes soient capables de pratiquer la parthénogenèse thélytoque, et donc de produire de nouvelles ouvrières sans besoin d’être fécondées. Cette rumeur paraît finalement totalement fausse, et n’était basée que sur le grand nombre d’ouvrières fécondées dans les colonies sauvages.
Alimentation : Cette espèce est friande d’arthropodes en tout genre. Elle chasse à l’aide de ses puissantes mandibules et de son aiguillon, ou récupère simplement les cadavres frais au sol. La nourriture est ramenée au nid et est directement consommée par tous les membres de la colonie, y compris les larves, dont la tête et les mandibules sont développées afin de pouvoir se nourrir sur ces aliments solides.
Essaimage : Les jeunes gynes semblent principalement sortir du nid afin d’être fécondées par des mâles d’autres colonies, surtout durant la saison des pluies en fonction des régions. Les ouvrières s’accouplent dans ou à proximité du nid ; il n’est pas encore connu si elles sont fécondées par des mâles du même nid ou bien venus d’ailleurs (les deux cas se retrouvant chez les autres Pseudoneoponera).
Gynie : Cette espèce compte à la fois des gynes ailés et des gamergate. De nombreuses ouvrières fécondées sont susceptibles d’être présentes dans chaque colonie. Dans les colonies ne comptant que des ouvrières, seule une fraction d’entre elles prennent part à la reproduction. Il n’est cependant pas connu comment se constitue la hiérarchie en présence de gynes et d’ouvrières fécondées.
Fondation : Indépendante et semi-claustrale ; les gynes fourragent régulièrement durant la fondation afin de s’alimenter et d’apporter les protéines nécessaires à leurs larves.
Cycle de développement : Homodynamique ; les colonies sont susceptibles de se développer tout au long de l’année.
4) RÉPARTITION :
Espèce la plus largement répartie du genre, Pseudoneoponera rufipes se rencontre dans une vaste partie de l’Asie du Sud-Est, s’étalant du Pakistan à Bornéo en passant par la Chine.
5) ÉLEVAGE :
Température de maintien : Entre 23 °C et 28 °C. Veillez cependant à adapter la température et ses variations saisonnières au climat de la région spécifique d’où provient votre colonie.
Hygrométrie : Il faudra maintenir une hygrométrie importante dans l’ensemble de l’installation (y compris dans l’aire de chasse), mais veillez à ce que le substrat ne soit pas détrempé pour ne pas nuire au couvain, spécifiquement aux cocons. A titre indicatif, pour un substrat composé de terre argileuse, vous devrez sentir une distincte fraîcheur en le pressant entre vos doigts, sans qu’ils n’en soient mouillés.
Installation : Pseudoneoponera rufipes, comme toute espèce de la sous-famille des Ponerinae, nécessite la présence d’un substrat, quel que soit le type d’installation. Un terrarium sera donc particulièrement adapté, mais des nids plus conventionnels peuvent également convenir, à condition de permettre le maintien d’une hygrométrie élevée sans être excessive, comme les nids en béton cellulaire, en pierre reconstituée, en plâtre, etc. L’introduction d’une microfaune abondante, qui pourra notamment être composée de collemboles, est également vivement conseillée.
Les nids composés d’une ou de quelques chambres spacieuses seront à privilégier. A ce titre, une simple boîte de pétri posée sur une fine couche de substrat fera tout à fait l’affaire.
A noter que cette espèce est incapable de grimper aux parois lisses, et l’anti-évasion sera donc inutile.


Claviger
Foreuse ? : Oui, elles sont capables de creuser le plâtre.
Diapause : Cette espèce n’effectue pas de diapause, et se développera donc tout au long de l’année. Cependant, vous pourrez effectuer une baisse saisonnière de température en fonction de la région d’origine de votre colonie (la plupart étant importées du Nord de la Thaïlande, du Vietnam ou du Sud de la Chine, les maintenir à environ 21 °C en décembre et en janvier sera ainsi convenable).
Fondation : Fondation indépendante et semi-claustrale ; les reines devront donc être nourries régulièrement tout au long de la fondation.
Alimentation en élevage : Il est préférable de donner des insectes fraîchement tués comme des blattes ou des grillons. Elle reste cependant apte à chasser des proies vivantes.
Reproduction en captivité : De nombreuses ouvrières pouvant être fécondées dans chaque colonie et constituer autant de boutures potentielles, cette espèce est une excellente candidate pour la reproduction en captivité. Les sexués seraient surtout produits durant la saison des pluies ; à défaut, isoler un groupe d’ouvrières non fécondées (en isolant des cocons avec une ouvrière marquée au Posca, puis en retirant cette dernière dès qu’une émergence a lieu, ou bien en isolant directement des ténérales) permettra d’obtenir un générateur de mâles.
Les modalités exactes de l’accouplement des ouvrières sont encore inconnues (notamment si elles peuvent s’accoupler avec des mâles de la même colonie ou non, et si elles peuvent s’accoupler en présence de gamergate active ou non), et restent à expérimenter. Dans le doute, nous vous conseillons d’adopter plusieurs colonies de l’espèce si vous souhaitez tenter la reproduction en captivité.
La démographie minimale des boutures n’est pas connue non plus, mais est probablement faible ; des boutures d’un peu moins d’une dizaine d’ouvrières devraient être suffisantes pour que la colonie puisse se stabiliser.
Quant à la reproduction à partir de gynes, ses modalités restent également à expérimenter, même s’il est probable que l’accouplement puisse avoir lieu au sol entre sexués originaires de colonies différentes.
Cette espèce étant systématiquement pillée, il est d’autant plus important que les éleveurs se concentrent sur sa reproduction en captivité afin d’éviter de futurs prélèvements dans la nature.
Détails à ajouter : Cette espèce creusera et détruira souvent ce qui peut l’être, et attendez-vous ainsi à ce que le substrat de l’installation soit retourné. Les caches d’aluminium seront également déchiquetés.
Attention : bien que sa première réaction face à un danger soit généralement de projeter de la mousse, elle garde la capacité de piquer et n’hésitera pas à le faire en dernier recours.
A noter que le développement est rapide pour une Ponerinae de cette taille, puisqu’il demande moins de deux mois et demi.
Difficulté d’élevage : Moyenne, voire Assez facile. Comme beaucoup de Ponerinae, ces fourmis ont des exigences particulières quelque peu différentes de celles des espèces plus couramment élevées. Tant qu’elles sont respectées, Pseudoneoponera rufipes se verra cependant être assez accessible au maintien. Par ailleurs, les colonies gardant une démographie modeste (qui peut être d’autant plus réduite en effectuant des bouturages réguliers), leur maintien sur le long terme demandera beaucoup moins de moyens que bien d’autres fourmis.

Présence de Posca afin de marquer individuellement l’ouvrière. – Claviger
Sources et Crédits :
Publications myrmécologiques :
- Emery, C. 1887e. Catalogo delle formiche esistenti nelle collezioni del Museo Civico di Genova. Parte terza. Formiche della regione Indo-Malese e dell’Australia (continuazione e fine). [part]. Annali del Museo Civico di Storia Naturale 25[=(2)5]:427-432. (https://www.antcat.org/references/124537)
- Forel, A. 1911c. Ameisen aus Ceylon, gesammelt von Prof. K. Escherich (einige von Prof. E. Bugnion). Pp. 215-228 in: Escherich, K. 1911. Termitenleben auf Ceylon. Jena: Gustav Fischer, xxxii + 262 pp. (https://www.antcat.org/references/125212)
- Ito, F. 1993, Functional Monogyny and Dominance Hierarchy in the Queenless Ponerine Ant Pachycondyla (=Bothroponera) sp. in West Java, Indonesia (Hymenoptera, Formicidae, Ponerinae). Ethology, 95: 126-140. (https://doi.org/10.1111/j.1439-0310.1993.tb00463.x) (https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1439-0310.1993.tb00463.x)
- Ito, F. 1999. Male Behavior and Regulation of Worker Mating in a Ponerine Ant, Pachycondyla (Bothroponera) sp. (Hymenoptera: Formicidae). Journal of Insect Behavior 12, 193–198 https://doi.org/10.1023/A:1020962716100 (https://link.springer.com/content/pdf/10.1023/A:1020962716100.pdf)
- Maschwitz, U.; Jessen, K.; Maschwitz, E. 1981. Foaming in Pachycondyla: A
new defense mechanism in ants. Behav Ecol Sociobiol 9, 79–81
(https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/BF00299857.pdf) - Schmidt, C. A.; Shattuck, S. O. 2014. The higher classification of the ant subfamily Ponerinae (Hymenoptera: Formicidae), with a review of ponerine ecology and behavior. Zootaxa 3817 (1):1-242. 10.11646/zootaxa.3817.1.1 (https://www.antcat.org/references/142616)
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- Wang, W. Y.; Soh, E. J. Y.; Yong, G. W. J.; Wong, M. K. L.; Guénard, B.; Economo, E. P.; Yamane, S. 2022. Remarkable diversity in a little red dot: a comprehensive checklist of known ant species in Singapore (Hymenoptera: Formicidae) with notes on ecology and taxonomy. Asian Myrmecology 15: e015006:1-152. [online early] 10.20362/am.015006 (https://www.antcat.org/references/144032)
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