Fiche d'élevage : Strongylognathus testaceus

1) CLASSIFICATION ET SIGNIFICATION :

Famille : Formicidae
Sous-famille : Myrmicinae
Tribu : Cremagastrini
Genre : Strongylognathus
Espèce : Strongylognathus testaceus 

Taxonomiste et année de description : Schenck, 1852 (sous le nom d’Eciton testaceum).
Noms vernaculaires : Cette espèce peu connue ne possède aucun nom vernaculaire répandu.
Synonymes et anciens noms utilisés : Aucun synonyme n’est encore utilisé à l’heure actuelle. L’espèce fut originalement décrite comme Eciton testaceum, avant d’être séparée du genre Eciton pour devenir Myrmus emarginatus l’année suivante. Or, le nom Myrmus étant l’homonyme d’un genre d’Hémiptères, elle fut renommée Strongylognathus testaceus par Mayr plus tard dans l’année. Les populations britanniques furent décrites sous le nom de Strongylognathus diveri en 1936 sur la base de critères morphologiques peu stables, avant que la synonymie avec S.testaceus ne soit établie en 1955.
D’un point de vue phylogénétique (Ward, Brady, Fisher & Schultz, 2015), les Strongylognathus appartiennent en fait au genre Tetramorium, et les deux seront donc peut-être mis en synonymie dans le futur.

Étymologie genre : Du grec ancien στρογγυλος (strongúlos), « arrondi », et γναθος (gnathos), « mâchoire », d’où « mâchoires arrondies », en référence aux mandibules lisses et arquées caractéristiques du genre.
Étymologie espèce : Du latin testaceus, désignant ici la couleur de la terre cuite.

2) MORPHOLOGIE ET IDENTIFICATION :

TAILLE OUVRIÈRES : 2 à 3 mm
TAILLE GYNE : 3 à 4 mm
TAILLE MÂLE : 3 à 4 mm

Morphisme : Monomorphe ; la taille des ouvrières d’une même colonie reste assez constante.

Identification : Strongylognathus testaceus se distingue des deux autres espèces françaises du genre (S. huberi et S. alpinus, toutes deux extrêmement rares) par une couleur généralement plus claire, et surtout par un vertex très concave. Elle est ainsi très facilement reconnaissable en Europe occidentale, même si des espèces proches existent plus à l’Est, telles que Strongylognathus karawajewi.

Description et particularités physiques : Les ouvrières de Strongylognathus testaceus sont à première vue très semblables aux Tetramorium qu’elles parasitent. Elles pourront néanmoins facilement en être distinguées par leur vertex concave, et surtout par leurs mandibules en forme de faucilles, lisses et arrondies, dépourvues de la moindre dent, semblables à celles des Polyergus. Elles sont également légèrement plus petites que leurs hôtes, et de surcroît souvent plus claires, étant généralement jaunâtres ou orangées. Elles possèdent un aiguillon, bien qu’il ne soit pas fonctionnel.
Les gynes, brunes, petites et élancées, peuvent facilement passer inaperçues au milieu des ouvrières hôtes. Leur pilosité est assez abondante. Les mâles, noirs, ont également des mandibules dépourvues de dent et un vertex légèrement concave.

3) BIOLOGIE :

Description du biotope : Ces fourmis peuvent se rencontrer dans divers biotopes, du moment que leurs hôtes Tetramorium y sont abondantes ; elles sembleraient néanmoins avoir une préférence pour les milieux argileux ou argilo-calcaires. Elles peuvent être trouvées en montagne, rarement jusqu’à 2 000 mètres d’altitude, où les hôtes ciblées sont alors Tetramorium alpestre et T. impurum.

Nidification : Cette parasite ne conçoit pas de nid, mais profite de ceux des Tetramorium hôtes, terricoles et souvent partiellement établis sous des pierres.

Démographie : Les colonies de Strongylognathus testaceus n’excèdent généralement pas 200 ouvrières, la majeure partie du couvain se développant en sexués. Ces inquilines se trouvent au milieu d’un nid de Tetramorium comptant parfois plus de 20 000 têtes, souvent bien plus populeux qu’une colonie non parasitée ; la proportion d’ouvrières de Strongylognathus dans ces nids mixtes ne dépasse ainsi généralement pas 1 % de l’effectif total.

Particularités comportementales : Strongylognathus testaceus est une parasite de diverses espèces du genre Tetramorium, surtout du complexe caespitum. En tant que parasite permanente incapable de survivre sans hôte, elle est dite inquiline.
Gynes hôte et inquiline subsistent au sein du même nid, et les deux colonies s’établissent en parallèle sans que l’une ne freine le développement de l’autre. Par des phéromones et hydrocarbures cuticulaires imitant ceux de leurs hôtes, les Strongylognathus passent inaperçues dans le nid et profitent ainsi du gîte et du couvert. Leur seul impact notable sur la colonie de Tetramorium est l’inhibition de sa production de sexués.

La gyne de Strongylognathus testaceus est le plus souvent retrouvée à proximité de la reine hôte. Les ouvrières inquilines, maladroites et dont les mandibules en forme de faucilles ne permettent pas d’exécuter la plupart des tâches coloniales, sont entièrement dépendantes de leurs hôtes et demeurent oisives, bien que très nerveuses et parcourant activement le nid.
Même si ces ouvrières pourraient sembler inutiles au premier abord, elles seraient en réalité capables de participer dans une faible mesure à la protection de la colonie en repérant et en exécutant les reines de Tetramorium atratulum (une autre espèce inquiline qui, quant à elle, ne tolère pas la reine hôte) qui tenteraient de s’infiltrer dans le nid. En outre, il est également possible qu’elles diffusent dans l’ensemble du nid les phéromones inhibant la production de sexués de l’hôte.
D’après d’anciennes observations de Forel, les ouvrières inquilines sont également susceptibles de participer aux « batailles » opposant souvent deux colonies voisines de Tetramorium, mais s’y font presque systématiquement tuer.

A la différence des Strongylognathus du groupe huberi (qui sont quant à elles véritablement esclavagistes), S. testaceus est incapable d’organiser des raids contre d’autres colonies de Tetramorium afin d’y subtiliser du couvain. En conservant une caste ouvrière bien présente sans présenter le moindre comportement esclavagiste, elle est donc à mi-chemin entre le dulotisme et l’inquilinisme typique, et est à ce titre parfois qualifiée d’« esclavagiste dégénérée ».

Considérée comme rare, c’est avant tout sa discrétion qui lui vaut d’être si peu observée : sauf en période d’essaimage, il est en effet impossible de savoir de l’extérieur si une colonie de Tetramorium est parasitée ou non. En France, il s’agit cependant de l’espèce la plus commune et la plus régulièrement observée du genre, pouvant même parfois être localement abondante là où les observations d’autres Strongylognathus restent rarissimes.

Alimentation : Les Strongylognathus dépendent entièrement de la nourriture que les Tetramorium leur fournissent par trophallaxie. Elles peuvent à peine se nourrir seules en léchant des liquides sucrés, leurs mandibules lisses étant particulièrement handicapantes.

Essaimage : Les essaimages ont lieu en après-midi ou en début de soirée, de fin juin jusqu’à début août. Ils peuvent occasionnellement être notables, même s’ils passent souvent inaperçus à cause de la petite taille des gynes et de la faible densité des colonies.

Gynie : Cette espèce semble généralement monogyne : une seule reine parasite fécondée est présente dans la colonie, coexistant avec une unique reine hôte. Toutefois, l’existence de colonies faiblement polygynes n’est théoriquement pas impossible, et a déjà été expérimentée avec un relatif succès en captivité.

Fondation : Les gynes, incapables de s’occuper seules de leur couvain, doivent se faire adopter par des Tetramorium pour fonder, qu’il s’agisse soit de colonies établies, soit de reines seules en cours de fondation. La fréquence de ces deux cas est inconnue.

Cycle de développement : Exogène-hétérodynamique ; l’entrée en diapause est provoquée par les changements de conditions extérieures tels que la baisse des températures, l’horloge biologique de la colonie n’ayant pas ou peu d’influence sur ce processus.

4) RÉPARTITION :

Strongylognathus testaceus se retrouve dans la majeure partie de l’Europe, et déborde sur l’Ouest de l’Asie. Il s’agit de l’espèce la plus répandue du genre. En France, elle serait susceptible d’être trouvée partout où ses hôtes sont abondantes.
Cependant, la connaissance de sa répartition à l’échelle régionale est encore lacunaire à cause de sa discrétion.

5) ÉLEVAGE :

Température de maintien : 21 °C à 28 °C.

Hygrométrie : De 30 % à 60 % de la surface du nid humidifiée.

Installation : Cette espèce se contente de toute installation également appréciée par son hôte ; ainsi, après une fondation en tube à essai, la plupart des nids classiques conviendront tant qu’ils disposent d’un système d’humidification efficace. Les nids en béton cellulaire ou en plâtre devront cependant être blindés.

Foreuse ? : Les mandibules lisses des Strongylognathus ne leur permettent pas d’être foreuses ; néanmoins, leurs hôtes Tetramorium le sont et n’hésiteront pas à creuser ce qui peut l’être lorsqu’elles manquent de place, c’est pourquoi il est préférable d’utiliser un nid blindé.

Diapause : Comme chez la grande majorité des espèces européennes, la diapause est nécessaire au bon développement de la colonie. Elle aura lieu durant environ trois mois et demi, généralement de novembre à mars, à une température comprise entre 1 °C et 10 °C.

Fondation : Afin de faire fonder la gyne, il sera nécessaire de la faire adopter à des Tetramorium du complexe caespitum. Il est à la fois possible de l’introduire avec une reine hôte seule en cours de fondation ou dans une colonie comportant déjà des ouvrières.
Une variante permettant de minimiser les risques de perte de la gyne de Strongylognathus sera de ne lui donner au départ que des nymphes avancées de Tetramorium, puis d’attendre que quelques ouvrières hôtes aient émergé et acceptent l’inquiline avant de faire adopter une gyne seule de Tetramorium à la fondation.
Dans tous les cas, les tentatives d’adoption sont toujours très risquées et peuvent à tout moment se solder par un échec même si elles semblaient bien commencer, c’est pourquoi il vous faudra rester aussi vigilants que possible.
Une fois l’adoption réussie, les premières ouvrières de Strongylognathus pourront commencer à émerger en petit nombre soit dès le premier automne, soit au cours de la deuxième année d’élevage.

Alimentation en élevage : Les ouvrières de S. testaceus ne fourragent pas, et profitent de la nourriture apportée via les trophallaxies de leurs hôtes. En élevage, ces dernières se nourrissent classiquement de diverses substances sucrées (pseudo-miellats, beetle jelly, fruits, bhatkar…) complémentées d’insectes fraîchement tués.

Détails à ajouter : Cette espèce est assez rarement maintenue, sa discrétion in natura ne facilitant pas sa trouvaille. Les retours d’élevage n’étant pas courants, il reste sans nul doute beaucoup à apprendre sur le sujet !

Difficulté d’élevage : Assez facile. La fondation, notamment en ce qui concerne l’adoption, est une phase souvent délicate, où les échecs sont courants comme chez toutes les espèces parasites. Après cette étape difficile, la colonie semble prospérer facilement tant que ses hôtes sont elles aussi en bonne santé.

Sources et Crédits :

Publications myrmécologiques :

Sites Internet :

  • Antcat.org
  • Antwiki.org
  • Antmaps.org
  • Antweb.org
  • AntArea.fr
  • Inaturalist.org

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